La NVA s’attaque aux ONG de solidarité internationale

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En ce début 2022, la N-VA nous propose une loi visant à augmenter le pourcentage d’apport propre obligatoire des OSC (organisations de la société civile) pour leurs programmes quinquennaux, passant de 20% à 30%.
Cette proposition de loi est motivée, dans le chef de la NVA, par le fait qu’un pourcentage de 80 % de subventions dont les orientations sont décidées par les autorités fédérales réduit l’autonomie des OSC et que, par conséquent, cela ne les incite pas à renforcer leur assise sociétale. Ce serait donc pour leur bien !

Outre le fait que le texte ne démontre pas en quoi un co-financement 80/20 est préjudiciable, ni en quoi un co-financement 70/30 renforcerait l’autonomie et l’assise sociétale des OSC, les écologistes ne peuvent pas soutenir cette loi. Et ce, pour différentes raisons :

1. L’autonomie des OSC est garantie à différents niveaux :

Les OSC sont créées par des collectifs de citoyens qui partagent une vision du monde, une vision du développement, et concrétisent cette vision dans des missions et des programmes, à travers des partenariats avec d’autres collectifs. Ces OSC portent des visions et des stratégies qui leur appartiennent, et qu’elles renforcent à travers des partenariats avec d’autres OSC, en Belgique mais aussi, et surtout, dans les pays du Sud.

Les OSC ont le statut juridique d’asbl et sont donc soumises aux règles de participation publique telle que les assemblées générales annuelles, qui sont des moments importants de vie publique, de planification et de justification auprès des citoyens engagés pour l’intérêt général. Bref, ce sont bien les citoyen‧ne‧s membres et les partenaires qui contrôlent l’organisation et mettent les limites !

Cette autonomie est reconnue et même exigée à différents niveaux ; dans la loi relative à la coopération belge au développement du 19 mars 2013, dans l’arrêté royal du 11 septembre 2016 concernant la coopération non-gouvernementale, et encore récemment par l’accord de majorité (qui rappelle que « le gouvernement continuera à reconnaître l’autonomie et le droit d’initiative des ONG »).

Par ailleurs, la dernière réforme de la coopération menée en 2016 par Mr De Croo a mis en place un système de Cadre Stratégique Commun (CSC) qui permet une meilleure synergie entre acteurs non-gouvernementaux, mais aussi avec les acteurs gouvernementaux de la coopération internationale. Ce système permet, en plus d’autres éléments, de garantir l’autonomie et le droit d’initiative des OSC tout en étant, bien sûr, en adéquation avec les priorités thématiques et géographiques de la Belgique.

Soulignons d’ailleurs que le CAD de l’OCDE (le réseau du CAD sur l’évaluation du développement), dans son dernier examen par les pairs, met en avant le mode de financement des OSC par l’État belge, et le souligne comme une bonne pratique qui respecte leur droit d’initiative.

2. L’assise sociétale des OSC dépasse la question des fonds propres

L’accréditation des OSC auprès de la DGD (Direction générale développement) afin de pouvoir soumettre une demande de subsides prévoit, sur base de l’arrêté royal de 2016 que les OSC prouvent leur assise sociétale par différents critères tels que le nombre d’adhérents, sympathisants et volontaires, par un certain montant de fonds récoltés chaque année et ceci pendant les cinq années précédentes. Cette assise sociétale repose également sur l’appartenance des OSC à des réseaux nationaux et internationaux et à ses partenariats avec des institutions ou d’autres OSC belges.

3. Les limites de la récolte de fonds

On l’a dit, un pourcentage de fonds propres est loin d’être le seul garant ou indicateur de l’assise sociale ou de l’autonomie des OSC (comme mentionné plus haut).

Par ailleurs, rappelons que la récolte de fonds présente une série de biais et ne doit donc pas être présentée comme la panacée.

1) Il se peut très bien qu’une OSC mène des activités qui sont soutenues par un public plus large sans que l’OSC ait une notoriété importante.
2) La nature des activités détermine aussi fortement les fonds que l’OSC peut recueillir auprès du public. Par exemple, l’aide d’urgence après un tremblement de terre attire un public beaucoup plus large que le travail de sensibilisation politique dans les coulisses, alors que les deux sont nécessaires.
3) Mettre plus de pression sur la récolte de fonds renforce le risque que les OSC aient recours à une communication misérabiliste sur les enjeux rencontrés par les populations du Sud.

Ceci étant, je rappelle aussi que toutes les OSC font de la récolte de fonds et de la dissémination publique de leurs activités, de façon plus ou moins organisée ou assidue. Même au plus fort de la crise du COVID-19, elles ont fait preuve d’ingéniosité pour faire face aux mesures de confinement interdisant le porte à porte et la collecte en rue, en continuant leurs récoltes de fonds en ligne ou via d’autres canaux.

4. Le ratio 80/20 dépasse les frontières :

Le ratio de 80-20% est similaire au ratio subvention/apport propre de l’UE. Il s’agit de conserver cette cohérence afin de ne pas complexifier le système actuel qui ne ferait que mettre à mal l’efficience de la coopération au développement belge et européenne.

5. Le rôle des OSC en démocratie

Les corps intermédiaires (syndicats, associations) restent des acteurs clés de la vie sociale et démocratique en Belgique comme dans nos pays partenaires. Ils assurent à la fois une solidarité de proximité que l’État ou les collectivités ne savent pas ou ne veulent pas organiser et, pour certains, un rôle de contre-pouvoir capable de critiquer le pouvoir au niveau local, régional, national et de proposer des solutions alternatives.

Pourtant, ces organisations sont de plus en plus la cible de critiques des gouvernements, de coupes financières, et souvent de violences. Le dernier rapport de CIVICUS  montre que désormais 87 % de la population mondiale vit dans des pays dont le « civic space » est considéré comme « fermé », « réprimé » ou « obstrué ». Plus d’un quart de la population mondiale vit dans des pays se trouvant dans la pire catégorie, celle des « civic space » « fermés », où l’on permet régulièrement que des acteurs étatiques et non étatiques emprisonnent, blessent et tuent des personnes pour avoir tenté d’exercer leurs libertés fondamentales.

En conclusion, à l’heure où la société civile est sous pression partout sur la planète, à l’heure où les inégalités explosent, nous déplorons que la NVA propose de compliquer leurs missions en diminuant leur soutien financier.