Sapins de Noël et Pomoxon

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Nous sommes nombreux à avoir été interpellés par l’émission « investigation » sur les sapins de Noël.

Il s’agit d’un dossier important vu son poids pour notre économie. En effet, la Belgique est le 2e producteur exportateur d’Europe avec un chiffre annuel de 35 millions d’euros par an et 85 % des arbres produits en Belgique sont exportés.

Ces cultures présentent de nombreux enjeux : pression foncière, traçabilité, etc.

Je me suis penchée sur l’enjeu lié à l’usage des pesticides. Pas moins de 0,98kg/ha de pesticides sont utilisées chaque année pour la culture du sapin.

Parmi celles-ci, on retrouve l’herbicide Glyphosate, l’insecticide Cyperméthrine (toxique pour la santé humaine et environnementale), le fongicide Mancozeb (cancérigène et perturbateur endocrinien). 

En plus de ces pesticides, on retrouve le Pomoxon.

Qu’est-ce que le Pomoxon ?

Le Pomoxon est une hormone de croissance. Il est utilisé pour avoir des sapins bien formatés, de formes coniques parfaites.

Le Pomoxon, autorisé au niveau européen jusqu’en 2023, n’a pas reçu d’autorisation au niveau Belge. Il bénéficie pourtant de dérogations depuis 2019 à la demande de l’Union Ardenaise des Pépiniéristes. Le règlement européen sur les autorisations de pesticides (1107/2009/EC – art 53) prévoit que les dérogations ne peuvent être octroyées que dans des « circonstances exceptionnelles » et uniquement valables pour un usage limité et contrôlé, et si la production végétale menacée ne peut être protégée du danger par d’autres moyens raisonnables.

Dans sa justification, le SPF santé mentionne que le Pomoxon a été autorisé après évaluations positives de la toxicologie, analyse du comportement dans l’environnement et l’écotoxicologie mais aussi de la prise en compte de la dimension économique du secteur.

Pourquoi une dérogation ?

On parle bien ici de culture non alimentaire. Et si elle est sûrement importante pour notre tissu économique, on ne voit pas en quoi on peut parler de « circonstances exceptionnelles », ni en quoi la production est « menacée » et ne peut pas être protégée par d’autres moyens raisonnables.

Cette hormone de croissance est bien utilisée dans un seul but esthétique (ratio largeur/hauteur ou « croissance excessive des tiges et des feuilles ») et est donc autorisée sur le seul argument de la rentabilité.

Or, à l’heure d’une crise majeur de la biodiversité, et à l’heure où nous sommes dépassés par la production et la diffusion des produits chimiques dans l’environnement, on ne peut que regretter ce genre de pratiques.

Échange avec le Ministre de l’Agriculture

J’ai donc interpellé le Ministre fédéral de l’Agriculture, Monsieur Clarinval, sur cette question.

Il a répondu que la Belgique se plaçait au rang de bons élèves au niveau européen car nous avions réduit de 35 % les dangers potentiels liés à l’utilisation des pesticides en 2019 par rapport à la moyenne enregistrée entre 2011 et 2013. Il a également mentionné que l’octroi d’une nouvelle dérogation permettait justement de ne pas augmenter l’utilisation d’autres produits phytopharmaceutiques.

J’ai pu conclure en rappelant que la Belgique est en tête de ligne avec les dérogations pour l’usage de pesticides dangereux pour notre santé et/ou notre environnement et que si on peut souligner les efforts fournis, on doit rappeler que la Belgique part de très loin (elle reste bien dans le top trois des pays européens en termes d’usage des pesticides, avec les Pays-Bas et Chypre) et que les efforts à fournir restent énormes !

J’ai pu aussi souligner que dans ce cas-ci, rien ne le justifie !

Par ailleurs, n’oublions pas que des agriculteurs produisent des sapins sans recours aux pesticides et autres produits chimiques. Permettre à des gros producteurs d’avoir recours à des produits chimiques met les producteurs respectueux des écosystèmes dans des situations de compétition déloyale.

Et n’oublions pas non plus de repenser notre relation au vivant, questionnons notre besoin de couper des milliers d’arbres à Noël, et n’oublions pas que des alternatives festives aux sapins existent. Les possibilités sont infinies si on fait un peu preuve de créativité et d’imagination. Besoin d’inspiration ? Cliquez ici