Proposition de résolution visant à établir un cadre juridique en vue de garantir la protection des droits fondamentaux des personnes intersexes

 

Nous votions aujourd’hui une résolution sur le respect et la protection des droits fondamentaux des personnes intersexes. Ce texte a été co-construit avec la société civile et les personnes concernées et porté notamment par Ecol-Groen.

Les personnes intersexuées, qui représentent environ 1,7 % de la population, sont nées avec des caractéristiques sexuelles physiques qui ne correspondent pas entièrement aux normes fixées par le monde médical et/ou à la conception socio-culturelle courante de l’environnement dans lequel l’enfant est né. Nous vivons dans un monde encore très largement binaire, dans lequel il est attendu de naître soit physiquement homme, soit physiquement femme.

Les variations des caractéristiques sexuelles, diverses et variées, sont encore trop souvent vues comme des anomalies à « corriger ». Pourtant, dans l’immense majorité des cas, ces variations ne mettent pas en cause la bonne santé des personnes intersexes. Elles constituent des variations naturelles du développement sexuel.

Aujourd’hui, en Belgique, lorsqu’un enfant vient au monde avec des variations au niveau de ses caractéristiques sexuelles, on lui fait encore trop souvent subir des procédures médicales de normalisation, par la chirurgie, et/ou par traitement hormonal et ce sans leur consentement libre et éclairé et sans nécessité médicale. Ces procédures sont fréquemment justifiées sur la base de préjugés sociaux, de la stigmatisation des corps intersexués et des exigences administratives pour assigner un sexe lors de l’enregistrement de la naissance.

Les interventions partent souvent de bonnes intentions et visent à éviter un éventuel stress psycho-social projeté par le corps médical et/ou la famille de l’enfant. Il est bien entendu que les familles et le corps médical souhaitent ce qu’ils estiment être un parcours plus facile parce que plus en phase avec les normes dominantes.

Pourtant, ces interventions médicales, quand elles sont faites sur des enfants, et qu’elles ne sont pas justifiées médicalement, ne rencontrent pas les droits fondamentaux des personnes, reconnus notamment dans la loi sur les droits des patients : le droit à l’intégrité physique, le droit au consentement libre et éclairé et le droit à l’autodétermination.

Nous avons eu des auditions dans le cadre du traitement de ces résolutions. Ces auditions ont montré que ces interventions peuvent causer des dommages physiques et une détresse émotionnelle graves et irréversibles chez les personnes qui les ont subies.

Nous devons reconnaître que les interventions de normalisation relèvent de la mutilation.

Plusieurs textes internationaux existent déjà et exigent de mettre fin aux traitements de normalisation. Parmi ceux-ci, nous retrouvons notamment les principes de Jogjakarta qui soulignent que les États doivent garantir à toute personne le droit à l’intégrité corporelle et mentale, à l’autonomie et à l’autodétermination, quels que soient son (…) identité de genre, son expression de genre ou ses caractéristiques sexuelles.

Notons en outre une résolution du Conseil de l’Europe de 2017 visant à “ promouvoir les droits humains et éliminer les discriminations à l’égard des personnes intersexes”, qui a pour objectif principal de mettre un terme aux actes visant à normaliser les caractéristiques sexuelles des personnes intersexes.

Notons enfin la résolution du Parlement européen de février 2019 sur les droits des personnes intersexes qui condamne fermement les procédures médicales de normalisation des enfants intersexes. Les États membres y sont invités à adopter dès que possible une législation protectrice de l’intégrité physique, l’autonomie et l’autodétermination de ces enfants.

Notons que certains pays européens ont déjà pris les devant, c’est le cas de Malte et du Portugal.

La Belgique été interpellée à plusieurs reprises

 

Le 1er février 2019, le Comité des droits de l’enfant de l’ONU a interpellé la

Belgique afin que soient interdits sur le territoire belge “les traitements médicaux ou actes chirurgicaux inutiles sur des enfants intersexes lorsque ces procédures peuvent être reportées en toute sécurité jusqu’à ce que l’enfant soit en mesure de donner son consentement éclairé” .

Le 6 décembre 2019, c’est le Comité des droits de l’Homme qui a demandé à la Belgique de “prendre les mesures nécessaires pour mettre fin aux actes médicaux irréversibles, en particulier les opérations chirurgicales, pratiqués sur des enfants intersexués qui ne sont pas encore en mesure de donner leur consentement librement et en toute connaissance de cause, sauf lorsque de telles interventions sont absolument nécessaires du point de vue médical” ;

Par ailleurs, tous les experts et expertes que nous avons entendu‧e‧s en audition soulignent la nécessité impérieuse pour la Belgique d’établir un cadre juridique de protection des droits fondamentaux des personnes intersexes en conformité avec ses obligations internationales.

Il était urgent que le parlement s’empare de cette question

 

C’est donc avec une grande attente que nous demandons au gouvernement, à travers ces résolutions, de mettre en place un cadre législatif protégeant l’intégrité physique des mineurs intersexes en garantissant, sauf nécessité médicale et situation d’urgence rendant impossible le retardement de la décision, l’interdiction de toute décision de modification des caractéristiques sexuelles d’un mineur sans le consentement éclairé de celui-ci que ce soit pour des raisons sociales, psychosociales, culturelles ou esthétiques.

Cette résolution met aussi l’accent sur d’autres aspects essentiels, qui sont notamment l’urgence de garantir la transparence des pratiques médicales portées sur les personnes et de leur accompagnement, mais aussi la formation et la sensibilisation des équipes médicales. Une attention a aussi été portée aux personnes migrantes qui nécessitent une protection particulière.

Nous y avons aussi demandé de prévoir une indemnisation possible des victimes d’opérations chirurgicales et ce, avec rétroactivité. Un soutien financier pour les associations ainsi qu’un changement dans les procédures administratives pour changer de sexe et les catégories classiques sociétales faisaient également partie de nos demandes. Nous avons insisté sur la visibilité des personnes intersexes et de l’image biaisée que les médias donnent.

La Note de politique de la secrétaire d’État Sarah Schlitz reconnaît déjà que les mutilations d’enfants intersexes à des fins esthétiques ou normatives constituent une grave violation des droits humains. Elle mentionne aussi sa volonté de se baser sur le travail du parlement afin de faire avancer la législation et protéger les droits des personnes intersexes.

Cette résolution a été possible grâce au travail énorme de la société civile, notamment de Genre pluriel et Intersex Belgium, qui alerte depuis des années sur les enjeux des personnes intersexes et sans laquelle nous n’aurions pas pu aboutir aujourd’hui.

→ En savoir plus ? Lien vers les associations genres pluriels et Intersex Belgium

→ Notre résolution complète