Les États membres votaient ce 16 novembre 2023 pour la deuxième fois la proposition de la Commission Européenne de renouveler l’autorisation du glyphosate pour 10 ans. Deuxième fois parce qu’une majorité qualifiée est nécessaire pour valider ou rejeter les propositions de la Commission. Cette majorité n’avait pas été atteinte au premier vote d’octobre, dans un sens comme dans l’autre, et un deuxième vote était organisé aujourd’hui en commission d’appel.
Comme pour le premier vote, 17 pays ont voté pour, 3 pays ont voté contre, et 7 pays de sont abstenus, dont la Belgique, alors que les ministres écologistes de l’environnement plaidaient pour un refus clair.
La Commission a donc unilatéralement décidé de renouveler le pesticide pour 10 ans. Un pesticide qui, je le rappelle, est classé cancérigène probable par le CIRC depuis 2015, et est décrié par de nombreuses études et scientifiques qui pointent sa toxicité pour l’humain et pour l’environnement.
Pour rappel, l’autorité de Sécurité alimentaire européenne elle-même, responsable de l’évaluation du produit, juge dans son rapport être incertaine des risques du glyphosate pour les consommateurs via leur alimentation. D’autres études (parfois non prises en compte dans le rapport d’évaluation) soulignent des liens avec des cancers comme la leucémie, des maladies neurologiques ou une altération de l’ADN (la clastogénicité) pouvant mener à des cancers.
En ce qui concerne l’environnement, un risque élevé à long terme pour les mammifères a été identifié par l’EFSA, tandis que le risque pour les milieux aquatiques est jugé incertain. D’autres études indépendantes pointent cependant de nombreux risques pour la biodiversité. La nocivité du glyphosate est ainsi à la fois directe (il perturbe par exemple le système immunitaire des abeilles), et indirecte (il détruit ou contamine les ressources alimentaires d’un grand nombre d’espèces).
Rappelons enfin que de nombreuses études n’ont pas été prises en compte dans l’évaluation de l’EFSA, et que le scandale de 2017 (les « Monsanto papers ») montrait que nombre d’études étaient financées et écrites par les industriels eux-mêmes.
Depuis les conclusions de l’EFSA, de nouvelles données sont encore sorties, notamment sur les liens entre glyphosate et leucémie.
Le jour avant le vote, près de 300 scientifiques (dont plus de 150 belges) demandaient dans une lettre ouverte à ce que le gouvernement vote contre le renouvellement du glyphosate. Ils soulignent une fois de plus l’insuffisance du cadre d’évaluation de la toxicité du glyphosate ainsi que la non prise en compte d’un grand nombre d’études pointant les dangers de celui-ci.
Les preuves scientifiques qui s’accumulent, le principe de précaution, les antécédents de secret qui entourent les industriels de l’agrochimie : tout cela aurait dû jouer en faveur d’un vote contre le renouvellement du glyphosate.
Malheureusement, les intérêts économiques des industriels et leurs relais parlementaires auprès des groupes libéraux et conservateurs ont eu raison (pour cette fois !) de la lutte pour la protection de la santé et de l’environnement. Face à ces intérêts, les écologistes continueront à se battre pour que ces produits chimiques soient interdits et pour que nos agriculteurs et agricultrices puissent enfin travailler dans des environnements sains.
D’ailleurs, avec ma collègue Barbara Creemers, nous avons un texte de loi proposant l’interdiction du glyphosate en Belgique (à défaut de l’avoir interdit en Europe). Il sera très certainement bloqué par certains collègues de majorité (qui avaient déjà bloqué notre résolution demandant à la Belgique de voter contre la prolongation au niveau européen).
En attendant, aujourd’hui plus que jamais, il est nécessaire de rappeler qu’un système agricole agroécologique est possible, que c’est un modèle agricole plus résilient et surtout un modèle qui est bénéfique pour la santé, pour l’environnement et pour la biodiversité.
Retrouvez également la carte blanche des écologistes parue dans le VIF au sujet du glyphosate ici : https://www.levif.be/environnement-2/les-ecologistes-appellent-la-belgique-a-voter-contre-la-prolongation-du-glyphosate/