En dépit de l’arrêt historique rendu par la Cour de Justice de l’Union européenne (UE) en janvier, la Belgique refuse de retirer une dérogation donnée pour l’autorisation d’un pesticide interdit dans l’UE, l’indoxacarbe. Ce lundi 27 février, Nature & Progrès et PAN Europe ont donc mis en demeure le ministre fédéral de l’agriculture, Mr Clarinval. Si la Belgique ne se conforme pas à l’arrêt et à la réglementation sous 15 jours, les organisations saisiront les tribunaux compétents pour qu’elles condamnent cette décision ou toute nouvelle décision jugée contraire à cet arrêt de la Cour. 

Pour rappel, suite à une plainte déposée par la société civile à l’encontre de la Belgique pour utilisation abusive de pesticides hautement toxiques, les néonicotinoïdes (utilisés sous forme de semences enrobées), interdits depuis 2018, la Cour de justice de l’Union européenne a confirmé le 19 janvier dernier que les dérogations pour ces pesticides, normalement interdits en Europe, sont illégales. Ainsi, les dérogations pour l’utilisation de néonicotinoïdes ne peuvent plus être octroyées. Important, les arguments avancés par la Cour permettent une interprétation plus générale de cette interdiction, à savoir que la conservation de la santé et de l’environnement doivent primer sur la productivité, et que dès lors des dérogations pour des produits jugés trop dangereux pour la santé et l’environnement sont non-conformes. Pour plus d’information à ce sujet, je vous invite à suivre ce lien vers un article que j’ai écris récemment ou bien sous format vidéo instagram par ici.

Le jour de la sortie de l’arrêt de la CJUE, la Belgique annonçait l’autorisation temporaire d’un insecticide à base d’indoxacarbe, une substance active utilisés pour les plantes ornementales interdite par la Commission européenne depuis novembre 2021, car il présente un haut risque pour la santé des consommateurs.trices et travailleur.euses, ainsi que pour l’environnement. 

Le 15 février, le Politico a révélé que la Belgique faisait pression auprès de la Commission européenne pour que celle-ci ne reconnaisse pas toute la portée de l’arrêt de la Cour et laisse les Etats membres continuer à autoriser des dérogations pour des pesticides interdits. Selon ces Etats-membres, l’arrêt ne s’appliquerait qu’aux dérogations de pesticides interdits pour traiter des semences, se limitant ainsi à la conclusion de l’arrêt et ignorant les arguments avancés par la Cour favorisant une interprétation plus large. Je vous en parle plus en détail ici.  

Au vu de ces révélations, j’ai interpellé le ministre Clarinval lors de sa venue au Parlement le 15 février sur son interprétation de l’arrêt de la Cour et sur l’annulation des dérogations toujours en cours. Le ministre a affirmé que la dérogation pour l’utilisation de l’indoxacarbe était légale, allant ainsi manifestement à l’encontre de l’arrêt de la Cour. 

Il a également cité sélectivement l’arrêt pour justifier la position de la Belgique en faveur de l’utilisation de pesticides interdits. Je cite: « Le paragraphe 48 de l’arrêt en objet mentionne les termes “devrait primer”. Le conditionnel indique que, si la protection de la santé et de l’environnement est effectivement primordiale, elle n’est pas la seule à devoir être prise en considération. C’est sur un subtil équilibre entre la protection de la santé et de l’environnement et la protection des productions végétales que les dérogations d’autorisation sont bâties. ». Pourtant, l’arrêt est très clair : aucun compromis entre protection de la santé et de l’environnement d’une part et les rendements agricoles de l’autre ne peut avoir lieu. Si un pesticide est interdit pour protéger la santé et l’environnement, il ne peut y avoir de dérogation. 

La mise en demeure de la Belgique envoyée au Ministre Clarinval demande donc l’annulation de la décision de la Belgique autorisant l’utilisation de l’indoxacarbe dans les 15 jours. Cette décision sera un test crucial pour la capacité de l’Union Européenne à faire respecter les règles de sécurité pour la santé humaine et animale ainsi que pour l’environnement en matière de pesticides.

J’interpellerai le ministre Clarinval au sujet de la mise en demeure lors de sa prochaine venue au Parlement! 

Communiqué de Presse de Pesticide Action Network (PAN) et Nature & Progrès Belgique (Natpro): https://www.natpro.be/pesticides-nature-progres-et-pan-europe-mettent-en-demeure-la-belgique/

On en parle dans la presse:

https://www.lalibre.be/planete/environnement/2023/02/28/letat-belge-mis-en-demeure-par-deux-associations-environnementales-BABXEK5G3VASVGEDK2PYA3SED4/