Actuellement, l’usage des produits à base de glyphosate est autorisé en Europe. L’autorisation actuelle expire le 15 décembre prochain. En décembre 2019, un groupe d’entreprises, dont Bayer, Syngenta et Barclay, a soumis une demande de renouvellement de l’autorisation d’usage du glyphosate en Europe. Cette procédure de renouvellement qui devait aboutir fin 2022, est toujours en cours. Elle a d’ailleurs pris du retard : les agences européennes ont annoncé une modification du calendrier d’évaluation. L’EFSA rendra son rapport final en juillet 2023. L’autorisation actuelle sera donc automatiquement prolongée le 15 décembre prochain. L’évaluation qui devait aboutir d’ici la fin 2022, n’aboutira pas avant la fin 2023, moment où l’Europe devra enfin décider si elle prolonge, ou pas, cette autorisation.
En attendant, le glyphosate continuera d’être répandu sur nos sols malgré une période d’approbation normalement arrivée à son terme. Dans ce cadre, avec ma collègue Barbara Creemers de Groen, nous demandons à la Belgique de voter contre cette prolongation !
Voici pourquoi !
Qu’est-ce que le glyphosate ?
La substance active glyphosate (dénommée ci-après “glyphosate”) est un herbicide qui a été mise sur le marché dans les années 1970 par la firme américaine Monsanto sous la dénomination “Roundup”. Depuis l’expiration, en 2000, du brevet de cette substance active, plusieurs produits à base de sels de glyphosate sont également disponibles sur le marché. Depuis plusieurs dizaines d’années, le glyphosate est l’herbicide plus utilisé dans l’agriculture et l’horticulture.
De nombreuses études scientifiques montrent pourtant que cette substance est dangereuse pour l’homme et l’environnement.
Quels sont les risques sanitaires et environnementaux ?
Un danger pour notre santé
En 2015, le CIRC (Centre international de recherche sur le cancer) a proposé une nouvelle classification concernant les propriétés cancérogènes de cinq substances actives de produits phytopharmaceutiques, dont le glyphosate. Le CIRC a proposé de classer le
glyphosate dans la catégorie 2A comme étant “probablement cancérogène pour l’homme”. Le CIRC précise que ce classement se fonde sur des études publiées depuis 2001 concernant l’exposition de la population au glyphosate, et sur des études réalisées sur des animaux de laboratoire. Le rapport de biomonitoring des autorités wallonnes1 indique que le glyphosate est présent dans le sang d’un quart de la population.
En 2020, dans son avis sur le glyphosate2, le Conseil supérieur de la santé se déclare préoccupé par l’utilisation de ce produit. Outre les risques cancérogènes, il souligne les effets perturbateurs endocriniens ainsi que l’impact sur le microbiome intestinal de l’homme et des animaux de laboratoire. Le Conseil supérieur de la santé recommande de mettre fin à l’utilisation du glyphosate le plus rapidement possible, et conseille même de ne pas attendre l’expiration de l’autorisation actuelle prévue en 2022.
Un danger pour notre environnement
Le glyphosate est nocif non seulement pour l’homme, mais aussi pour les animaux et leur environnement. L’Autorité européenne de sécurité des aliments a constaté un risque à long terme pour les mammifères, notamment pour les animaux d’élevage tels que les moutons et les vaches. Dans un avis récent, le Conseil supérieur de la santé souligne l’incidence négative de l’utilisation du glyphosate sur la biodiversité, en accordant une attention particulière aux pollinisateurs tels que les abeilles. Cette substance perturbe les processus liés au développement, à la capacité reproductrice, à la croissance, au comportement et à la communication. En outre, le Conseil souligne également les effets toxiques observés chez les micro-organismes, les insectes et les animaux comme les escargots, les lombrics et les grenouilles.
Quel processus européen d’autorisation ?
En 2017, un vote a eu lieu au niveau européen sur la prolongation de l’autorisation du glyphosate. Bien qu’initialement, c’était un renouvellement de 10 ans qui était sur la table, à la fin de 2017, un renouvellement de 5 ans a finalement été voté, qui prend donc fin avant 2023.
Lors du vote des États membres en novembre 2017, 9 États membres dont la Belgique (ainsi que la France, l’Autriche, l’Italie, le Luxembourg, la Croatie, la Grèce, Chypre et Malte) ont voté contre le renouvellement de l’autorisation du glyphosate. Quatorze États membres ont voté en faveur du renouvellement et 5 États membres se sont abstenus. La Commission européenne a pris cette décision avec les États membres sur la base de l’avis de l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA). À l’époque, la décision d’autoriser le produit sur le marché européen a été prise sur la base d’études fournies par l’industrie.
Après que l’EFSA a été contrainte de rendre ces études publiques, il est apparu que seules deux des cinquante-trois études sur lesquelles elle s’appuyait étaient pleinement conformes aux normes internationales établies pour l’étude de la nocivité des substances chimiques. Dix-sept études étaient partiellement conformes, et la majorité (34) étaient de si mauvaise qualité qu’elles étaient sans valeur. L’utilisation du glyphosate a donc néanmoins été autorisée dans l’Union européenne jusqu’au 1er janvier 2023, mais son autorisation sera automatiquement prolongée du fait de la modification du calendrier de la procédure de renouvellement. Notons que dès 2017, le Parlement européen avait adopté une résolution visant à interdire son utilisation à partir de 2023. La possibilité de prolonger à nouveau son autorisation est actuellement à l’étude.
Le contexte a changé !
Face à l’effondrement de notre biodiversité, causée notamment par les produits chimiques, le contexte politique bouge doucement.
Par exemple, la Commission européenne a présenté, en 2020, sa stratégie sur la biodiversité ainsi que sa stratégie “De la ferme à la table”: l’Europe entend mieux préserver et protéger la biodiversité, dont elle reconnaît l’importance cruciale, non seulement sur le plan écologique, mais aussi pour la santé et l’économie. L’utilisation de pesticides chimiques par l’agriculture contribue à la pollution des sols, de l’eau, de l’air et à l’appauvrissement de la biodiversité. Elle peut nuire aux plantes et insectes non ciblés, aux oiseaux, aux mammifères et aux amphibiens. La stratégie de la Commission européenne vise notamment à développer davantage l’agriculture biologique et à multiplier les paysages agraires riches en biodiversité, à ralentir et à inverser le déclin des populations de pollinisateurs, et à réduire de moitié, avant 2030, la consommation de pesticides ainsi que les risques qui y sont liés. Une interdiction de mise sur le marché du glyphosate pourrait contribuer dans une large mesure à la réalisation de ces objectifs.
Bref, il y a un momentum !
L’utilisation de glyphosate en Belgique et les pays voisins
L’utilisation et la vente d’herbicides totaux de synthèse tels que les produits contenant du glyphosate aux utilisateurs non professionnels est totalement interdite en Belgique depuis le 6 octobre 2018. Cela signifie que les particuliers ne peuvent plus utiliser ces produits dans les jardins, dans les allées ou sur les terrasses. La Flandre et la Wallonie ont continué à autoriser l’utilisation du glyphosate à des fins professionnelles, par exemple par les agriculteurs ou les entrepreneurs de jardin disposant d’une phytolicence. Par contre, ce n’est déjà plus le cas à Bruxelles.
D’autres pays européens ont pris les devants. Le Luxembourg a opté pour une interdiction totale à partir du 1er janvier 2021, ce qui fait de lui le premier État membre de l’Union européenne à interdire effectivement cet herbicide. L’interdiction s’y applique à tout le monde, y compris aux services publics, au secteur agricole et aux chemins de fer.
De son côté, l’Allemagne prévoit son interdiction pour la fin 2023 au plus tard, et s’emploiera, d’ici là, à interdire progressivement l’usage du glyphosate. Cette interdiction a été confirmée dans le récent accord de gouvernement. L’interdiction prévue en Allemagne s’inscrit dans le cadre d’un programme plus étendu de protection des insectes : à partir de 2021, l’utilisation de substances nuisibles aux insectes sera totalement interdite dans les zones écologiquement protégées. À l’avenir, cette interdiction sera étendue aux zones de captage d’eau. Il est frappant de constater que l’Allemagne – qui abrite le siège central de Bayer et qui aurait donc économiquement intérêt à ce que le glyphosate puisse continuer à être utilisé – préfère également en abolir l’utilisation.
En France, le président Macron a annoncé une interdiction d’utilisation d’une grande partie des produits à base de glyphosate à partir de 2022. En Autriche et aux Pays-Bas aussi, l’utilisation du glyphosate fait débat.
Que demandons-nous au gouvernement fédéral ?
Bien que la politique relative à l’utilisation des pesticides soit une compétence régionale, le législateur fédéral demeure compétent pour la commercialisation des produits tels que les pesticides à base de glyphosate. Au printemps 2017, M. Borsus, alors ministre de l’Agriculture, a annoncé l’interdiction de la mise sur le marché et de la vente des produits contenant du glyphosate. Fin 2017, son successeur, M. Ducarme, a voté, en tant que représentant de notre pays, contre la prorogation de l’autorisation du glyphosate au niveau européen. Vu les positionnements passés, et en accord avec l’accord de coalition, le gouvernement fédéral devrait donc soutenir activement l’interdiction du glyphosate sur le marché européen.
C’est ce que nous lui demandons dans cette résolution !
Par ailleurs, même si une interdiction européenne reste notre visée, Ecolo-Groen a aussi une proposition de Loi pour interdire l’usage du Glyphosate en Belgique ici :
On en parle dans la presse de ce matin ici : https://www.lesoir.be/444155/article/2022-05-23/glyphosate-la-belgique-doit-se-prononcer
Vous voulez aussi faire entendre votre voix ? Vous pouvez signer les pétitions qui circulent actuellement, notamment celle-ci : https://actions.sumofus.org/a/stop-a-l-intoxication-pour-l-interdiction-du-glyphosate-en-europe-be-fr-fba21?
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