Avec ma collègue Kim Buyst, je dépose une proposition de loi visant à mettre fin à l’usage des agrocarburants alimentaires dans nos moteurs !

Voici pourquoi et comment !

Les agrocarburants : qu’est-ce que c’est ?

Les agrocarburants (parfois appelés biocarburants) de première génération sont les agrocarburants produits à base de cultures agricoles, principalement des cultures destinées à l’alimentation humaine et animale.

Quand on parle d’agrocarburants, on parle du biodiesel qui va remplacer le diesel (produit à base d’huile, notamment de colza, tournesol, mais aussi palme et soja) et du bioéthanol qui va remplacer l’essence (produit à base de cannes à sucre, betteraves, maïs, blé).

Il existe une nouvelle génération d’agrocarburants dits les agrocarburants avancés produits à base de déchets agricoles et forestiers, graisses animales et huiles usagées. Si cette nouvelle génération apporte des perspectives, leur innocuité pour l’environnement et le climat devra encore, malgré tout, être observée de près.

De combien parle-t-on ?

A l’échelle nationale, en 2021, 560 000 tonnes de céréales (surtout le blé et le maïs) ont été transformées pour produire 185 millions de litres de bioéthanol et 670 000 tonnes d’huile végétale ont été transformées pour produire 570 millions de litres de biodiesel pour le marché belge.

En 2018, plus de 800.000 tonnes de matières premières alimentaires ont été consommées dans les agrocarburants vendus en Belgique. Les céréales transformées en bioéthanol correspondent à la consommation annuelle de céréales de 2,3 millions de personnes et les huiles végétales transformées en biodiesel correspondent à la consommation d’huile de 17 millions de personnes1.

A l’échelle européenne, l’utilisation d’agrocarburants produits à partir de nourriture augmente : la grande majorité des agrocarburants utilisés dans l’Union européenne provient de cultures vivrières. 78% des matières premières utilisées pour produire du biodiesel sont en effet des huiles obtenues à partir de colza, de palme, de soja, et de tournesol. Pour le bioéthanol, la proportion de produits agricoles (maïs, blé, betteraves..) est encore plus élevée: 96%.2

D’où viennent-ils ?

En 2018, moins de 3 % des matières premières (céréales, plantes sucrières, huiles végétales) servant à la production des agrocarburants vendus en Belgique venaient de notre pays. Plus de la moitié de ces matières premières provenaient de pays hors Union européenne.

Sur les 800.000 tonnes de matières premières alimentaires utilisées pour produire les agrocarburants vendus en Belgique en 2018, 26% venaient de pays frappés par la déforestation massive liée aux cultures industrielles de soja et d’huile de palme (Brésil, Argentine, Paraguay, Indonésie et Malaisie).3

En 2020, 8,9% de la consommation belge d’agrocarburants de première génération a été produit en Belgique (mais sans garantie que les cultures ont poussé ici).

 2020 m³ biofuel
Belgique

65579,656

8,9 %

Europe (dont UK et sauf BE)

617094,557

83,7 %

Hors Europe

84843,214

11,5 %

Total

737517,429

7% de la consommation vient des cultures qui ont poussé ici en Belgique (mais dont on ne sait pas où elles ont été transformées en biocarburants – probablement en Belgique mais ça peut aussi être ailleurs).

 2020 %
Belgique

51479,725

7,0%

Europe (dont UK et sauf BE)

245235,535

33,3%

Hors Europe

440802,169

59,8%

Total

737517,429

Quel cadre à l’utilisation des agrocarburants ?

1. La directive européenne sur les énergies renouvelables (RED)

La Renewable Energy Directive (RED II) du 11 décembre 20184 relative à la promotion de l’utilisation de l’énergie produite à partir de sources renouvelables, est la principale législation européenne qui régit l’utilisation des carburants renouvelables en Europe .

La RED I de 2009 a fixé un objectif pour l’utilisation des énergies renouvelables dans les transports : d’ici 2020, 10 % de l’énergie totale utilisée dans les transports doit être renouvelable (sans précise r la contribution des
différentes formes : agrocarburants, électricité, renouvelable, etc.). Cet objectif a conduit à l’utilisation massive de biocarburants non durables (palme, soja, etc.).

La nouvelle directive RED II quant à elle, contient une obligation minimale inférieure de 7% d’énergie renouvelable dans les transports en 2030. Cette obligation de 7% ne pourra pas être atteinte à partir d’agrocarburants issus de matières premières alimentaires, mais devra l’être à partir d’autres sources énergétiques (électricité renouvelable, agrocarburants dits «avancés», etc.).
L’utilisation d’agrocarburants issus de matières premières alimentaires reste cependant possible, mais devient totalement facultative et plafonnée. Les États membres qui veulent poursuivre l’utilisation de ce type d’agrocarburants peuvent le faire avec un maximum de 7 % en part énergétique des carburants.

2. La loi du 17 juillet 2013 relative aux volumes nominaux minimaux de biocarburants durables :

En Belgique, il existe une obligation d’incorporer ces agrocarburants dans le diesel (biodiesel) et dans l’essence (bioéthanol) en vertu d’une loi qui oblige les distributeurs de carburants à procéder à l’incorporation d’agrocarburants dans les carburants fossiles.

3. Le Plan National Energie Climat (PNEC) 2021-2030 :

Le PNEC, qui sera revu dans les mois prochains, prévoit un taux d’incorporation d’agrocarburants de la 1ère génération de 7 %, soit le taux maximum prévu par la législation européenne. En 2022, la Belgique comptabilise 9,25 % d’agrocarburants dans ses carburants, dont toujours 7 % de 1e génération.

Pourquoi sortir des agrocarburants de première génération ?

Depuis de nombreuses années, la société civile nous alerte sur les différents impacts des agrocarburants de première génération.

Impacts climatiques et environnementaux

Pour aborder ce point, je relaie ici directement les informations contenues dans le rapport d’évaluation de la politique belge d’incorporation des agrocarburants menée par la société civile5:

Sur l’ensemble de leur cycle de vie, les agrocarburants de première génération sont plus néfastes pour le climat que les carburants fossiles. Par ailleurs, ils entraînent – indirectement ou non – des modifications substantielles de l’utilisation des sols qui sont à leur tour néfastes pour le climat et la biodiversité. Leur production mène en outre à des violations des droits humains et des conflits d’usage.

D’après le Conseil fédéral du développement durable (dans son avis 2017a097), en Belgique, la consommation d’agrocarburants a entraîné, en 2018, une hausse des émissions de gaz à effet de serre de l’ampleur des émissions de l’ensemble du secteur belge des transports sur une période de douze jours, un volume d’agrocarburant de première génération émettant, sur l’ensemble de son cycle de vie, davantage qu’un même volume de carburant fossile. Les émissions de gaz à effet de serre émises par les biodiesels à base de colza, de soja ou d’huile de palme sont de 118 à 303 % plus élevées que les émissions de référence des carburants fossiles qu’ils remplacent.

Impacts en termes d’affectation des sols

Un superficie équivalente à deux provinces belges est nécessaire pour produire nos agrocarburants. Il aura fallu en 2018, plus de 5000 km2 de surface agricole productive pour cultiver les céréales, sucres et huiles végétales utilisés pour produire les agrocarburants vendus en Belgique. Cette superficie est supérieure à celle des Provinces de Namur et du Brabant wallon réunies. Près de la moité de l’Europe et la moitié des pays du Sud ont vu des changements majeurs en terme d’affectation des sols suite à l’intensification du recours aux agrocarburants de première génération. 6

Impacts sur la sécurité alimentaire

Dans un plein moyen d’essence belge en 2018 (50 litres), il y avait 4 litres de bioéthanol. Ce bioéthanol a été principalement produit à partir de blé, de maïs, de betterave et canne à sucre, dont les quantités sont équivalentes à la production de 10 pains de 600 grammes, 3 kg de maïs et 1 kg de sucre. Pour avoir une vague idée de l’ampleur, il faut 232 kg de maïs pour produire 50 litres de bioéthanol !

En 2018, en Belgique, les céréales transformées en bioéthanol correspondent à la consommation annuelle de céréales de 2,3 millions de personnes et les huiles végétales transformées en biodiesel correspondent à la consommation d’huile de 17 millions de personnes7

Aujourd’hui encore, à l’échelle européenne, chaque jour 10.000 tonnes de blé – l’équivalent de 15 millions de miches de pain (750 grammes) – est transformée en éthanol, uniquement pour les voitures.8

Quelle proposition de Loi ?

Les écologistes ont, de longue date, dénoncé l’usage d’agrocarburants de première génération. Dès l’arrivée des écologistes au gouvernement fédéral, à l’initiative de la ministre Khattabi, la décision a été prise d’extraire les agrocarburants à base d’huile de palme et de soja des mélanges de carburants dès le 1er janvier 2023 pour l’huile de palme et le 1er juillet 2023 pour le soja.

Il faut cependant encore avancer ! La crise Ukrainienne qui provoque l’envolée des prix des carburants et une pression accrue sur les denrées alimentaires, s’ajoute encore à l’impasse climatique que représente ces agrocarburants et nous pousse à agir sans attendre.

En effet, en plus des impacts environnementaux et sur les droits humains, le mélange d’agrocarburants coûte plus cher aux usagers ! Comme ce pourcentage d’agrocarburants est inclus dans le prix maximum à la pompe, il y a un coût supplémentaire de 2,5 cents par litre de diesel et de 5,5 cents par litre d’essence.

Dès lors, avec ma collègue Kim Buyst (Groen), nous avons décidé d’introduire une proposition de loi dont les objectifs sont :

– l’arrêt temporaire des mélanges d’agrocarburants de première génération pour limiter la hausse des prix.

– la disparition du mélange de biodiesel de 1ère génération à partir de 2025

– la disparition du mélange de bioéthanol de 1ère génération à partir de 2030

Ce n’est pas gagné d’avance, mais on va tout faire pour convaincre les collègues de majorité !

On en parle dans la presse : https://www.lesoir.be/434493/article/2022-04-06/ecolo-groen-veut-la-fin-des-biocarburants-de-premiere-generation

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Sources

6  Wanneer stopt de waanzin met biobrandstof? De Morgen , 11.11.11, Bond Beter Leefmilieu, Greenpeace Belgique, Oxfam- en-Belgique, FIAN Belgium, BOS+, Inter-Environnement Wallonie. (20 mars 2021).