La Commission européenne a présenté fin juin sa proposition de révision de la Directive 2001/18, une proposition en faveur d’une déréglementation des OGM obtenus par le biais de nouvelles techniques de modification génétique (New Genomic Techniques – NGT).

Je vous parlais déjà des OGM et leur actualité sur mon blog, ici.

Brefs rappels :

La culture d’OGM n’est pas autorisée en Europe, mais nous sommes concernés par l’importation de ceux-ci en provenance de pays où leur usage est autorisé, comme les États-Unis ou le Brésil par exemple.

Au niveau européen, les OGM sont réglementés par la Directive 2001/18 qui comporte des prescriptions relatives aux effets sur la santé et l’environnement, la traçabilité et l’étiquetage des OGM, mais elle ne concerne que les OGM obtenus via des techniques dites de “première génération”. Avec l’apparition de nouvelles techniques, la question de la réglementation est revenue sur la table des discussions au niveau européen.

Pour rappel, le 25 juillet 2018, la Cour de justice de l’Union européenne s’est prononcée en faveur de l’intégration des OGM de nouvelle génération dans le champ d’application de la Directive 2001/18 au même titre que les OGM de première génération, en affirmant que « les organismes obtenus par mutagenèse sont des OGM et sont en principe soumis aux obligations de la directive OGM ».

Cependant, des acteurs comme les lobby des multinationales de la biotechnologie et des grands groupes agro-inductriels œuvrent depuis plusieurs années pour une déréglementation de ces OGM issus des NGT et que ceux-ci ne soient pas repris dans le champ de la Directive 2001/18.

La Commission européenne a initié en septembre 2021 une procédure législative pour la réglementation des NGT.

Évaluation des risques partielle 

Dans le cadre du processus législatif, la Commission européenne a demandé à l’EFSA d’élaborer un avis avec des critères à prendre en considération pour l’évaluation des risques liés aux plantes produites par mutagénèse ciblée, cisgénèse et intragénèse. Ce qu’elle a fait en septembre 2022. Selon cet avis, l’utilisation des nouvelles technologies génétiques correspond plus ou moins aux processus se produisant dans la nature et lors de la sélection conventionnelle. Dès lors l’analyse de risques proposée est fortement simplifiée quant à la recherche d’effets non-intentionnels ou erreurs génétiques.

Et pourtant, de nombreuses publications récentes non-considérées par l’EFSA ont mis en évidence que certaines zones du génome (contenant des gènes importants pour la survie de l’espèce) sont particulièrement résistantes aux mutations. Et les nouvelles techniques de mutagénèse ciblées rendent ces régions particulières du génome accessibles aux mutations ciblées. Ces mutations court-circuitent les mécanismes mis en place au cours de l’Evolution (régulation et organisation des gènes). Ces mutations dans ces zones sont à l’origine de modifications non-intentionnelles du génome. Ceci ne se produit pas dans la nature ni lors de la sélection conventionnelle.

  1. Par ailleurs, les techniques d’édition du génome passent par une première phase de transgénèse pour pouvoir fabriquer la protéine constitutive des ciseaux moléculaires. Cette phase engendre aussi des effets non-intentionnels.

  2. Bref, il y a un risque non évalué à ce stade d’impacts combinés ou cumulatifs provenant des interactions entre nouveaux OGM présents simultanément dans l’environnement, risque qui devrait aussi être évalué pour éviter l’effondrement des écosystèmes et la contamination des aliments !

  3. La société civile mobilisée

La société civile s’est rapidement et largement mobilisée sur le sujet pour dénoncer les dangers d’une telle déréglementation. Récemment, Nature & Progrès Belgique (NATPRO), Canopéa et d’autres ONG’s européennes ont notamment lancé une pétition pour garder les « nouveaux OGM » agricoles dans la législation sur les OGM. Cette pétition a recueilli 420.757 signatures de citoyens européens de 18 États membres et été remise à des représentant.es de la Commission à Bruxelles le 7 février 2023.1

Aujourd’hui, la Commission Européenne confirme les craintes de la société civile mais aussi les nôtres en tant qu’écologistes en proposant une déréglementation des OGM issus des NGT permettant de les faire échapper à la réglementation européenne actuelle.

Pareille déréglementation signifie en pratique, comme le relève justement Nature & Progrès2:

  • L’absence d’évaluation des risques pour la santé et des effets sur l’environnement de ces nouveaux OGM

  • L’absence d’étiquetage informant les consommateurs qu’ils consomment de nouveaux OGM ce qui représente un danger pour la traçabilité des produits mis sur le marché européen.

  • L’absence de mesures pour permettre aux agriculteurs et éleveurs biologiques de maintenir leurs champs exempts d’OGM et ce alors que les nouveaux OGM ne sont pas autorisés dans l’agriculture biologique.

  • L’entrée sur le marché européen d’OGM non étiquetés et non traçables, mais brevetés par des entreprises qui dominent déjà le marché des brevets sur ces technologies, comme Corteva, Bayer et BASF et par ricochet, le renforcement de leur contrôle sur les agriculteurs et la production alimentaire en Europe. Ces multinationales voudraient commercialiser leurs produits nouveaux OGM sans obligation d’analyses de risques pour la santé et l’environnement, sans traçabilité et étiquetage (ce que requiert la Directive actuelle sur les OGM) laissant l’agriculteur et le consommateur dans l’ignorance de la présence de ces « OGM cachés » comme mentionné plus haut.

De plus, les NGT sont loin d’être des techniques maîtrisées et peuvent engendrer, sur le site d’insertion ou ailleurs dans le génome de la plante ou de l’animal, des effets délétères non intentionnels pour la santé et l’environnement (ex : nouvelles toxines et allergisants, modification de la valeur nutritionnelle, impacts non prédictibles sur les chaînes alimentaires et les écosystèmes, …).

Et maintenant ?

Le Parlement européen désignera la Commission qui sera chargée d’élaborer la position du Parlement sur la proposition, et les pays membres de l’UE décideront quels ministres seront chargés d’approuver leur position commune. Ainsi le positionnement tant des eurodéputé.es que des ministres des États Membres y compris nos Ministres de l’Agriculture, de la Santé, de l’Environnement sera déterminant.

Quel suivi au parlement ?

A mon niveau, au Parlement Fédéral, j’ai déjà interrogé les 14 et 15 février 2023, les Ministres David Clarinval3 (Agriculture) et Zakia Khattabi4 (Environnement et Green Deal) sur la réglementation des NGT. Sans grand étonnement, Mme Khattabi m’a affirmé que des études scientifiques sur les risques et conséquences de ces nouvelles techniques sont absolument nécessaires avant que des décisions soient prises. Elle a également rappelé que d’autres pistes devaient également être étudiées au même titre que les OGM. De plus, Madame Khattabi a rappelé que l’utilisation des techniques de premières générations est davantage inspirée par des enjeux économiques que sociétales contrairement à ce que les multinationales affirmaient lors de la promotion des techniques de première génération.

Le Ministre de l’Agriculture a quant à lui répondu ainsi: “L’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) a statué dans une déclaration d’octobre 2022 que les plantes obtenues via les NGT, dans un certain nombre de cas, ne posent pas de nouvelle menace par rapport aux plantes obtenues via des techniques génomiques établies, telles que la mutagenèse aléatoire.” Or une étude de TestBiotech démontre que l’avis de l’EFSA ignore 80% des sources pertinentes pour la rédaction de son rapport et de ses conclusions. De même, plusieurs publications répertoriées par des experts des États membres n’ont pas été prises en compte. En outre, même si des publications figuraient dans les références de l’EFSA, aucune d’entre elles n’a été utilisées dans les rapports afin d’examiner systématiquement les effets involontaires causés par les procédures de la NGT5. )

Plus récemment, le 20 juin dernier, j’ai interrogé le Ministre de la Santé, M. Vandenbroucke6 sur le même sujet. Ce dernier a affirmé qu’il lui paraissait « important et prioritaire que la sécurité pour les humains, les animaux, les plantes et l’environnement soit toujours garantie. Tous les produits entrant dans la chaîne alimentaire, quelle que soit la technique utilisée, doivent donc répondre aux exigences élevées de l’Union européenne en matière de sécurité alimentaire » mais qu’il était encore «  prématuré de prendre des positions fermes sur le sujet à ce stade » puisque la proposition de la Commission n’était pas encore sortie.

En conclusion, pour les écologistes, les NTG sont une entreprise risquée qui détourne l’attention des vraies solutions durables

Notre modèle agricole est celui de l’agriculture biologique et de l’agro-écologie. En 2050, il sera tout à fait possible de nourrir l’ensemble des européen.ne.s avec une alimentation issue de l’agriculture biologique entièrement produite en Europe sans importations d’intrants (source : étude de l’IDDRI : institut du Développement Durable et des Relations Internationales (France)7 .

Les positions actuelles d’ECOLO et de Groen sur les NGT sont cliares : Nous voulons le maintien des NPG/NTG dans la réglementation OGM et nous nous opposons à tout assouplissement des régulations en matière d’OGM sur la base d’un argumentaire ancien toujours d’actualité et qui comprend notamment les éléments suivants :

1) Les OGM sont inutiles pour assurer la souveraineté alimentaire

– les pratiques agro-écologiques sont suffisantes et les plus pertinentes au vu des enjeux climatiques et géopolitiques

– Les OGM ne tiennent pas leurs promesses (ex : éradiquer la faim).

2) Les OGM sont nocifs pour la biodiversité notamment pour les raisons suivantes :

– ils entraînent une augmentation de l’usage des pesticides et une baisse de la diversité des plantes sauvages dans les champs

– ils ne participent pas non plus à réduire l’ampleur des changements climatiques (atténuation) qui a des impacts majeurs sur la biodiversité

– ils participent à la standardisation des espèces et donc à l’appauvrissement de la diversité génétique comme biologique

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3Question orale n°55034296C

4Question orale n°55034265C

6Question orale n°55037519C