Ce 20 juillet 2023, nous avons voté le texte de la Ministre Tinne Van der Straeten (Groen), relatif aux normes de produit pour l'intégration d'énergie produite à partir de sources renouvelables dans les carburants fossiles destinés au secteur du transport. 

Nous attendions avec impatience ce texte, une transposition d’une directive européenne (dite RED II1) renforcée, permettant à la Belgique de relever le défi de promouvoir la part des énergies renouvelables dans le domaine du transport !

Rappelons que le domaine des transports lourds reste un vrai défi au regard de nos objectifs de réduction de nos émissions de gaz à effet de serre. L’Europe s’est engagée à être neutre en carbone en 2050 au plus tard, et diminuer ses émissions européennes de 55 % d’ici 2030. A ce titre, le secteur des transports est important puisque selon un rapport de l'Agence européenne pour l'environnement, le transport était responsable d'environ un quart des émissions totales de CO2 de l'UE en 2019, dont 71,7 % provenaient du transport routier2.

Dans ce cadre, la transposition de la directive européenne est stratégique. Pour rappel,  les objectifs de cette directive sont de parvenir à une augmentation de l'utilisation de l'énergie provenant de sources renouvelables d'ici 2030, de favoriser une meilleure intégration des systèmes énergétiques et de contribuer aux objectifs climatiques et environnementaux, y compris la protection de la biodiversité. 

Quatre éléments portés dans cette loi sont à saluer pour les écologistes :

1) La nouvelle loi permet enfin de prendre en compte l’électricité renouvelable et autres technologies innovantes dans l’objectif d’énergies renouvelables utilisées pour les transports. On sait que jusqu’à maintenant, les agrocarburants étaient la réponse centrale de notre politique d’énergie renouvelable dans le transport, et on ouvre enfin de nouvelles perspectives avec un moindre impact.

N’oublions pas que comme écologistes, nos priorités vont évidemment vers des choix réellement durables en matières de transports, y compris les transports lourds.

- l’électrification de tout ce qui peut l’être ;

- un recourt renforcé vers les transports publics pour les transports de personnes (et quand c’est possible la mobilité douce)

- un recourt renforcés vers le train pour le transport de marchandises.

En tant qu’écologistes nous voulons aussi éviter les fausses solutions, notamment le recours intensifs aux carburants basés sur les matières agricoles (agrocarburants). Je vous en parlais déjà sur mon blog ici et ici.

2) Ce texte permet de diminuer la part des agrocarburants non durables, et spécifiquement de 1ère génération (donc fait à partir de matières premières alimentaires) dans nos carburants.

Rappelons que ce gouvernement a déjà avancé de façon très concrète sur la question des agrocarburants non durables en mettant fin au soutien de l’intégration de l’huile de palme et de l’huile de soja dans nos moteurs. 

Mentionnons qu’au niveau belge, la consommation d’huile de palme et soja était encore massive en 2021. On parle de presque 30 % de nos agrocarurants de 1e génération fait à partir d’huile de palme et d’un peu plus d’un tiers faits à partir d’huile de Soja. Rappelons que les biodiesels d’huile de palme, de soja et de colza ont mené à une augmentation de près de 9% des émissions causées par le transport belge en 2020.

La 2e étape aujourd’hui est de diminuer fortement la part de tous les agrocarburants de 1ère génération dans nos moteurs.

Cette part va décroître dès l’année prochaine ! Pour passer à 2,5 % pour le biodiesel et 4,5 % pour le bioéthanol (donc l’essence) en 2030. 

Pourquoi cette diminution est-elle nécessaire?

Les conséquences désastreuses de l'utilisation des biocarburants de première génération sont légion et désormais bien connues. On fera référence à de nombreux rapports, tant de la société civile (belge, européenne et internationale) que du conseil consultatif sur la cohérence des politiques en faveur du développement, conseil fédéral sur le développement durable, plusieurs rapporteurs et rapportrices spéciaux sur le droit à l’alimentation des Nations Unies. Tous s’accordent à dénoncer des agrocarburants de 1e génération pour leur :

- Impact climatique problématique : dans certains cas, les émissions de gaz à effet de serre sur la base de l'analyse du cycle de vie sont encore plus importantes que celles des combustibles fossiles.

- Impact sur la biodiversité tout aussi problématique : usage accru de pesticides, mono-cultures, etc. et bien sûr une déforestation massive. 

- Impact sur la sécurité et souveraineté alimentaire : on met en concurrence l’agriculture vivrière et l'industrie des agrocarburants pour les mêmes matières premières, entraînant des impacts sur les prix des denrées alimentaires mais aussi des conflits fonciers. On est souvent confrontés à de l’accaparement des terres pur et simple pour favoriser les agrocarburants plutôt que des récoltes qui nourrissent les communautés.

- Et enfin, des impacts délétères en termes de droits humains, en ce compris de droits des femmes : accaparement des terres, des pollutions atmosphériques locales, des violences sur les femmes massivement présentes dans les grandes exploitations, etc.

Il était donc urgent d’avoir le courage de diminuer la part des agrocarburants de 1e génération dans nos moteurs.


3) Une limitation de certains agrocarburants dits « avancés », ceux faits à base de graisses animales (de catégorie 3).

La directive RED II ne prévoit pas de limite pour les graisses animales de catégorie 33. Pourtant, le recours à ce type de produits présentent des risques réels, déjà bien documentés :

1° Comme une limite est présente sur certaines graisses animales et huiles usagées, il y aura un recours accru à ces graisses de catégories 3, et donc une demande accrue. C’est déjà le cas !

2° Cela entraîne une concurrence pour ces matières premières avec d'autres secteurs, tels que les secteurs de l'oléochimie et de l'alimentation humaine et animale. Ces secteurs sont donc contraints de se tourner vers d'autres matières premières, comme l'huile de palme, une matière première très problématiques en terme environnemental et de droits humains.

3° Enfin, nous avons moins de contrôle sur l'origine de ces graisses animales, ce qui rend la fraude ou les effets pervers moins contrôlables et plus difficiles à contrer.


Bref, ces graisses ne sont pas une solution, et on salue le fait que la Ministre ait décidé de les limiter malgré le fait que la directive européenne ne le prévoyait pas et ainsi évité de recréer à nouveau une compétition entre matières premières.

4) Enfin, on soulignera que l’évaluation des effets du recours aux agrocarburants est renforcée par cette loi. Une avancée important est que cette évaluation aura une attention particulière aux droits humains et aux impacts dans les pays du Sud, et non plus seulement en Belgique.

Conclusion

Ce texte a été difficile à obtenir et il présente une réelle avancée ! 

Une coalition de la société civile qui fait du plaidoyer de longue date sur ce sujet (Bond Beter Leefmilieu, Canopea, CNCD -11.11.11, Oxfam Belgique, Natagora, FIAN, le Mouvement d’Action Paysanne, BOS+, la FUGEA et Greenpeace) a d’ailleurs exprimé sa satisfaction face à ce texte. Elle appelle les députés à soutenir le projet de loi !

On s’en réjouit mais je rappellerai que comme écologistes, nous continuons à demander que l’on arrive à 0 agrocarburant de 1ère génération dans nos moteurs ! Nous le demandons aux côtés de la société civile et d’autres observateurs qui demande de continuer le travail. 

Je porte une proposition de loi qui le propose. On continuera donc le combat.

1Directive (UE) 2018/2001 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2018 relative à la promotion de l’utilisation de l’énergie produite à partir de sources renouvelables https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=CELEX:32018L2001

2https://www.europarl.europa.eu/news/fr/headlines/society/20190313STO31218/emissions-de-co2-des-voitures-faits-et-chiffres-infographie

3les matières de catégorie 3 sont les matières provenant d’animaux dont les carcasses ont été déclarées propres à la consommation humaine, après inspection sanitaire. Selon la réglementation européenne, les graisses de catégorie 3 sont autorisées en alimentation animale.