Mme Demir annonçait le 23 mai 2023, vouloir faire « une pause » dans les politiques climatiques européennes. Elle appelle à s’adapter au changement climatique plutôt d’adoption des objectifs toujours plus ambitieux de réduction des émissions de gaz à effet de serre, et à faire une « courbe rentrante » sur les ambitions climatiques.

Le 24 mai 2023, M. De Croo appelle à mettre sur pause la protection de l’environnement et estime qu’il est vital de donner la priorité à la lutte contre les émissions de CO2 plutôt qu’à l’élaboration de nouvelles directives européennes protectrices de l’environnement, car l’industrie ne « pourrait pas tout faire : à la fois lutter contre le CO2 et gérer de nouvelles réglementations de protection de l’environnement.


Deux appels qui s’ajoutent à d’autres (notamment Mr Macron), chacun avec sa spécificité, dans un contexte général de blocage des politiques environnementale à l’échelle européenne.

S’adapter plutôt que réduire nos émissions ?


L’appel de Mme Demir à s’adapter au changement climatique est pertinent. Le changement climatique est en court, nous impacte déjà fortement (certaines régions plus que d’autres), et nous atteindrons le seuil critique de 1,5° de hausse de température avant 2030. On le voix déjà, face aux sécheresses, aux inondations, et autres évènements extrêmes, on doit s’adapter. C’est une évidence !

Mais ces propos occultent plusieurs éléments:

1) Une action climatique efficace nécessite à la fois de diminuer nos émissions (très très vite maintenant) pour maîtriser le changement climatique le plus possible ET s’adapter à ses conséquences (déjà cruellement visibles).

2) S’adapter à 1,5° de changement ou à plus de 2° (ce vers quoi on semble aller vu la lenteur des politiques), ce n’est pas la même chose. A chaque nouveau 10e de degré, les efforts d’adaptation seront plus lourds, plus chers, et surtout moins efficaces. Les pertes et dommages seront de plus en plus conséquents, avec les coûts humains et économiques qui s’en suivent.


3) Le coût de l’inaction est beaucoup plus lourd que le coût d’une transition juste. Refuser de réorienter nos modes de productions et de consommations, en les accompagnant pour qu’ils soient socialement justes, aura un coût auquel nos sociétés ne pourront pas faire face.

Bref appeler aujourd’hui à faire une pause en matière d’ambition est tout simplement irresponsable.

Diminuer nos émissions plutôt que préserver la nature ?


Mr De Croo quant à lui appelle à mettre sur pause les politiques environnementales, et à se consacrer d’abord sur nos objectifs en termes d’émission de gaz à effet de serre. Il fait référence à plusieurs directives en cours de négociation au niveau européen, qui visent à protéger et restaurer notre nature (une directive concernant les produits chimiques, une directive de restauration de la nature, etc).


Ces propos, tenus le lendemain de la journée internationale de la biodiversité (quel cynisme!) occultent plusieurs éléments :

1) Nous sommes confrontés à une 6e extinction de masse avec un taux actuel d’extinction des espèces est de 10 fois à 100 fois supérieur au taux d’extinction naturel. Elle est causée par la déforestation, par l’exploitation abusive des espèces, par le changement climatique, par les pollutions chimiques, bref, par l’activité humaine.

2) Les crises climatique et de la biodiversité sont une seule et même crise : le réchauffement climatique est une des causes directes de l’effondrement des éco-systèmes, et dans l’autre sens, l’effondrement des éco-systèmes accélère le dérèglement climatique. Par exemple, quand les forêts primaires sont endommagées, ou les océans acidifiés, ils ne jouent plus leur rôle de stockage de carbone. Les scientifiques s’accordent pour dire que le changement climatique et la perte de biodiversité sont deux des problèmes les plus urgents de notre aire et qu’ils sont intrinsèquement liés.

3) La perte de la biodiversité a un coût majeur. La moitié de l’économie mondiale en dépend. Elle est par ailleurs au coeur de nos systèmes alimentaires, de nos capacités à nous soigner, etc. Dès lors, on comprend que le Forum économique mondial considère la perte de biodiversité comme l’un des trois plus grands risques qui menacent l’humanité au cours des dix prochaines années. Il est par ailleurs beaucoup plus coûteux de retarder une action que d’agir immédiatement (un rapport de “Global Futures”estime que si rien n’est fait pour enrayer la disparition de la nature, cela coûtera au moins 479 milliards de dollars par an au niveau mondial, soit près de dix mille milliards de dollars d’ici 2050, l’équivalent des économies du Royaume-Uni, de la France, de l’Inde et du Brésil cumulées).

4) On ne peut pas lutter contre le changement climatique sans la nature : elle est centrale tant dans nos efforts d’atténuation que dans nos efforts d’adaptation. Dès lors, seules des politiques ambitieuses de conservation et de restauration permettraient d’atteindre les objectifs simultanés d’un climat habitable, d’une biodiversité saine et une bonne qualité de vie pour toutes et tous.


C’est pourquoi vouloir mettre « pause » sur les politiques environnementales est à la fois contre-productif pour nos objectifs climatiques mais aussi totalement irresponsable.

Tant les expert.e.s du GIEC et de l’IPBES nous exhortent à aller plus vite et plus fort dans la transition.


Aucun n’appellent à faire pause…