A l’heure d’écrire ces lignes, 14 militant.e.s de Greenpeace attendent leur procès.

Leur crime ?avoir occupé de façon pacifiste les quais utilisés par l’entreprise Fluxys (gros opérateur gazier) dans le port de Zeebruge et déployé une grande banderole avec pour mention  « Gas kills, Fluxys guilty », et par là réclamer l’abandon de toutes les nouvelles infrastructures gazières et un plan européen de sortie du gaz en 2035. Après 48h de détention,ils devront répondre de diverses accusations, et risquent jusqu’à 5 ans de prison.

A l’heure d’écrire ces lignes encore, le Canada est en feu, l’Espagne est à sec, et nos politiques publiques ne permettent pas de bloquer les investissements dans les énergies fossiles qui rendent nos objectifs climatiques (1,5°) chaque jour moins réalisables.

En novembre, trois activistes belges étaient condamnés à deux mois de prison ferme pour s’être collés à l’œuvre, protégée d’une vitre, « la jeune fille à la perle », au Mauritshuize à La Haye, dans la foulée d’actes similaires commis ailleurs en Europe, en vue d’alerter l’opinion publique sur l’urgence climatique. L’un des 3 n’avait que filmé la scène.

Je m’arrête à ces deux derniers exemples de criminalisation de l’activisme touchant – notamment – des activistes belges (il y en a tant d’autres).

Deux types d’actions différentes (cibler des pollueurs d’une part, cibler des symboles de notre humanité en danger d’autre part), deux types d’organisation différentes (Greenpeace d’une part, XR d’autre part), mais un même objectif, à savoir renforcer les politiques contre le changement climatique, et un stratégie commune : l’action directe non-violente, une des formes d’expression de la désobéissance civile.

Beaucoup d’encre a déjà coulé, beaucoup de débats ont déjà eu lieu, sur ce que chacun.e pouvait penser de tel ou tel type d’action. Et on peut penser ce qu’on veut de leur pertinence, en attendant, des activistes ont fait de la prison, d’autres attendent leur procès, pour avoir choisi de désobéir civilement.

S’il est toujours inconfortable de commenter des procédures ou décisions de justice comme mandataire politique, je reste très préoccupée de la criminalisation croissante de l’action de la société civile.

Pour rappel, la désobéissance civile a, historiquement, contribué à des avancées majeures en termes de droits humains : droits des femmes (vote, IVG…), fin de la ségrégation aux Etats-Unis, luttes pour les indépendances des colonies, etc. Il est donc tout à fait compréhensible que les militant.e.s climatiques aient recours à cette stratégie, complémentaire à d’autres, pour tenter d’obtenir les changements politiques nécessaires à relever le défi climatique.

On ne peut pas leur jeter la pierre. Comme mentionné plus haut, les engagements climatiques actuels des pays nous gardent sur une trajectoire d’un réchauffement de plus de 2,5°, les émissions de gaz à effet de serre continuent à augmenter chaque années, et les investissement dans les énergies fossiles se poursuivent.

Alors que plusieurs Etats, dont les Pays-Bas et la Belgique, ont déjà été condamnés pour inaction climatique, les multinationales polluantes poursuivent leur carnage, et non seulement sont (très) rarement punies, mais font des bénéfices majeurs (et reçoivent des subsides publics).

Pendant ce temps là, de plus en plus de voix, dans le champ politique, s’expriment publiquement pour pointer du doigt les militants climatiques. Ils sont moqués, décriés, interpellés de façon condescendante (et ce fut le cas par notre Premier Ministre en entrée de COP27) à « aller étudier les sciences » pour « faire partie de la solution », mais aussi, et de façon de plus en plus audible et assumée, assimilés aux climato-sceptiques, comparés à des vandales ou même taxés par certains d’éco-terroristes. Cette tendance est d’autant plus préoccupante que dans de nombreux pays, les militants des droits humains (y compris climatiques) sont intimidés, arrêtés arbitrairement, maltraités voir assassinés. Des pays européens changent leurs législations pour pouvoir plus facilement poursuivre ces militant.e.s.

Alors, bien sûr, lorsque des militant.e.s ont recours à la désobéissance civile, lorsqu’ils choisissent délibérément de contourner la loi, ils savent qu’ils s’exposent à des sanctions. Mais on peut légitimement s’interroger à la fois sur l’opportunité des poursuites (la justice a beaucoup à faire, non?), et sur la proportionnalité des peines pour des activistes dont les actions n’occasionnent pas (ou très peu) de dégâts matériels, quand les responsables du désastre climatique, qui tue déjà des milliers de personnes par an, qui coûte déjà des milliards aux collectivités, et qui façonne une planète largement non viable pour l’humanité, continuent à faire leur « business as usual ».

Dès lors, comme écologistes, on ne peut qu’exprimer notre solidarité avec ces activistes, tous les activistes qui, de façon non-violente, s’efforcent à faire bouger les lignes de nos politiques publiques, pour éviter ce que le Secrétaire général des Nations-Unies appelle un « suicide collectif ».

Aujourd’hui, cette solidarité s’exprime à Carine Thibaut et ses collègues de Greenpeace.

(Avec ma collègue Claire Hugon, nous exprimerons nos préoccupations à la Chambre).