En Belgique, les herbicides à base de glyphosate sont les plus utilisés. Malgré une forte baisse de la consommation en 2018 en raison de l’interdiction de l’usage privé, la consommation reste élevée dans le secteur professionnel. Cependant, l’utilisation de l’ingrédient actif, le glyphosate, est controversée en raison de son danger pour la santé publique et l’environnement.

Nous avons donc déposé un projet de loi[1] avec ma collègue Barbara Creemers afin d’interdire la mise sur le marché de produits à base de l’ingrédient actif glyphosate, ce dernier a été pris en considération le 12 mai 2022 et est pendant à la Chambre.

Quels dangers liés à l’utilisation du glyphosate ?

Le Glyphosate est une substance active qui a été mise sur le marché dans les années 1970 par la société américaine Monsanto sous le nom de Roundup. Pendant des décennies, le Glyphosate a été la substance active la plus utilisée dans l’agriculture et l’horticulture pour lutter contre les mauvaises herbes. Cependant, de nombreuses études scientifiques ont montré que ce produit présente un danger pour les personnes et l’environnement.

Impacts en termes de santé humaine :

En 2015, le CIRC (Centre international de recherche sur le cancer) propose que le Glyphosate soit classé dans la classe 2A comme « probablement cancérigène pour l’homme » , sur base d’études publiées en 2001. (https://www.kanker.be/nieuws/wgo-zet-5-pesticiden-bij-op-de-lijst-van-mogelijk-kankerverwekkende-stoffen-voor-de-mens). Dans son évaluation, le CIRC démontre les risques cancérigènes du Glyphosate, ses propriétés de perturbation endocrinienne et les effets néfastes sur le microbiome intestinal des humains et des animaux de laboratoire. (HGR, avis 9561, Glyphosate et composés contenant du glyphosate). Le Glyphosate est également associé à la neurotoxicité, aux changements de comportement et à la toxicologie transgénérationnelle. Chez les êtres humains, il y a des cas de Parkinson aigu (https://www.parkinson-vereniging.nl/archief/bericht/2019/12/09/Glyfosaat) dont le lien plausible a été démontré par l’administration néerlandaise (RIVM) (Kamerbrief étude exploratoire RIVM dans l’amélioration des exigences de données en relation avec les maladies neurodégénératives).  Plusieurs études montrent également que les pesticides contenant cette substance ont un effet de perturbation endocrinienne et peuvent affecter notre fertilité.

Il peut se transmettre par la nourriture (résidus sur les cultures agricoles), par l’ingestion de poussière de sol, par inhalation en cas d’utilisation dans les jardins ou dans les zones résidentielles proches des zones agricoles, par contact cutané en cas d’utilisation ou par l’eau potable (http://www.milieu-en-gezondheid.be/sites/default/files/atoms/files/factsheet_glyfosaat_2019.pdf). Les études montrent que le Glyphosate est bioaccumulable : l’ingrédient actif reste dans le corps et les concentrations de l’agent augmentent.

 Impacts sur l’environnement

Le glyphosate n’est pas seulement nocif pour l’être humain mais également pour la faune et la flore. L’Agence européenne de sécurité des aliments (EFSA) a identifié un risque à long terme pour les mammifères, y compris les animaux de ferme tels que les moutons et les vaches.

Les insectes, les micro-organismes et les animaux comme les vers, grenouilles et escargots sont également impactés. En outre, le Glyphosate tue à peu près tout ce qui se trouve dans l’environnement et dans le sol (bactéries, champignons, algues). ( https://decorrespondent.nl/7533/onze-landbouwgrond-is-zo-dood-als-een-pier-weg-met-het-gif/830204397-f0fafc19)

Où en sommes-nous en termes d’autorisation aux niveaux européen et belge ?

Le glyphosate est classé parmi les cancérigènes probables chez l’homme le 20 mars 2015 (classé dans le groupe 2A – dernier niveau avant le groupe 1).

Dans l’Union européenne, les producteurs doivent soumettre une demande lorsqu’ils souhaitent mettre un produit phytopharmaceutique sur le marché (règlement (CE) n° 1107/2009). En 2017, un vote a eu lieu au niveau européen sur le renouvellement de l’autorisation du glyphosate. Au départ, un renouvellement de 10 ans était sur la table, mais fin 2017, un renouvellement de 5 ans a finalement été voté. La Belgique avait voté contre le renouvellement de l’autorisation d’utilisation du glyphosate. Le glyphosate est donc encore autorisé dans l’UE jusqu’au 1er janvier 2023. En 2017, le Parlement européen a déjà adopté une résolution visant à interdire l’utilisation du glyphosate à partir de 2023 (résolution 2017/2019 du PE).  La possibilité de prolonger à nouveau l’autorisation est actuellement à l’étude.

La Belgique a autorisé la commercialisation de divers produits phytopharmaceutiques contenant du glyphosate, suivant le respect des exigences européennes (Règlement (CE) 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques et abrogeant les directives 79/117/CEE et 91/414/CEE du Conseil J.O.U.E., L309, 24 novembre 2009, art. 29.)

En Belgique, la région de Bruxelles a décidé en 2017 d’interdire l’utilisation du glyphosate,  y-compris pour les particuliers, sur l’ensemble du territoire régional, par son arrêté du 10 novembre 2016 interdisant l’utilisation de tout produit phytopharmaceutique contenant du glyphosate (CAS 1071-83-6). Le 6 Octobre 2018, l’arrêté royal du 16 septembre 2018 interdisant les herbicides totaux, notamment à base de glyphosate entre en vigueur et prévoit l’interdiction de vente et d’utilisation de ces produits par les particuliers sur l’ensemble du territoire belge[2]. Toutefois, sa vente et son utilisation par les professionnels est toujours autorisée.

Toutefois, l’article 44 du règlement européen 1107/2009 prévoit le réexamen des décisions administratives autorisant un produit phytopharmaceutique. Il permet aux États membres de pouvoir modifier, voire retirer leurs autorisations décernées (Règlement (CE) 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 précité, J.O.U.E., L309, 24 novembre 2009, art. 44.). Cela laisse donc la possibilité à la Belgique de retirer les autorisations octroyées au glyphosate. Ainsi, le Luxembourg a opté pour une interdiction totale à partir du 1er janvier 2021. Le Luxembourg devient ainsi le premier pays de l’Union européenne à interdire réellement le désherbant. C’est ce qu’a fait la France en 2019, en produisant 36 actes de retrait d’autorisations sur base de cet article. L’Allemagne souhaite une interdiction d’ici la fin 2023 et éliminera progressivement le glyphosate au cours des prochaines années, interdiction confirmée dans le récent accord de coalition.

Quels usages restent prédominants en Belgique?

Depuis plusieurs dizaines d’années, le glyphosate est la substance active la plus utilisée comme herbicide dans l’agriculture et l’horticulture, y compris en Belgique.

En Belgique, depuis le 6 octobre 2018, l’utilisation et la vente d’herbicides totaux de synthèse, tels que les produits contenant du glyphosate, sont totalement interdites pour les utilisateurs non professionnels. Cela signifie que les particuliers ne peuvent plus utiliser ces produits dans les jardins, dans les allées ou sur les ter- rasses. La Flandre et la Wallonie ont continué à autoriser l’utilisation du glyphosate à des fins professionnelles, par exemple par les agriculteurs ou les entrepreneurs de jardin disposant d’une phytolicence. Les administrations utilisent également le glyphosate.

A titre d’exemple, Infrabel est de loin le plus gros utilisateur de glyphosate parmi les administrations publiques et a consenti des efforts considérables pour réduire son utilisation au cours des dernières années. Les différentes autorités régionales ont autorisé Infrabel à utiliser du glyphosate pour entretenir les voies. En Wallonie, le glyphosate représentait 90 % de la totalité des herbicides utilisés par Infrabel. En Flandre aussi, l’utilisation générale de pesticides déclarée en 2019, était surtout à mettre à l’actif (comme les années précédentes) d’organes relevant de l’autorité fédérale, tels que la SNCB et Infrabel. Infrabel utilise déjà depuis des années un “train de désherbage” afin de dégager les voies. Ce train de désherbage n’est utilisé que sur les lignes principales. L’entretien des lignes secondaires est externalisé. En Flandre, le train de désherbage a répandu 1 436 kg de pesticides sur les lignes principales. Les entreprises qui entretiennent les lignes de moindre importance ont pour leur part répandu 1667 kg de pesticides. L’utilisation de pesticides par ces entreprises a été pratiquement réduite de moitié par rapport à 2018 grâce à une sensibilisation et une responsabilisation accrues de la part d’Infrabel.

Des alternatives existent

Selon diverses études, il existe également des alternatives suffisantes aux herbicides dans l’agriculture et l’horticulture, en intégrant les pratiques agricoles physiques ou mécaniques, biologiques et écologiques aux larges connaissances acquises sur les caractéristiques biologiques et écologiques des plantes cultivées et des mauvaises herbes (https://www.pan-europe.info/sites/pan-europe.info/files/Report_Alternatives%20to%20Glyphosate_July_2018.pdf et https://www.inrae.fr/actualites/usages-alternatives-au-glyphosate-lagriculture-francaise).

C’est afin de protéger la biodiversité, la faune et la flore et la santé humaine que nous avons déposé cette proposition de loi, dans le but d’interdire l’utilisation et la vente du glyphosate ainsi que toutes les préparations à base de sels de glyphosate. L’interdiction s’appliquerait également aux professionnels et plus uniquement aux particuliers.

Au niveau de l’entretien des voies de chemin de fer, différents pays s’en passent déjà, et Infrabel avancent dans la recherche d’alternatives.

En conclusion

Le débat sur l’opportunité de mettre fin à l’usage du glyphosate a lieu au niveau européen (avec une échéance en fin d’année 2022). Néanmoins, vu le poids des lobbies de agro-industrie au niveau européen, nous souhaitons mener le débat aussi au niveau national.

Les écologistes continuent de se battre pour l’éradication de l’utilisation de produits pertinemment dangereux pour l’humain et l’environnement !

[1]https://www.lachambre.be/kvvcr/showpage.cfm?section=flwb&language=fr&cfm=/site/wwwcfm/flwb/flwbn.cfm?dossierID=2683&legislat=55&inst=K

[2]https://fytoweb.be/sites/default/files/legislation/attachments/mb-bs_2018-09-26_0.pdf