Le parlement fédéral a adopté hier une résolution, dont je suis co-signataire, sur l’ouverture d’une enquête pénale internationale sur les actes de violence sexuelle commis dans le cadre du conflit armé en Ukraine.
En effet, depuis le début du conflit le 24 février 2022, de multiples violations des droits humains ont été épinglées par de nombreux acteurs internationaux, notamment des violences sexuelles utilisées comme arme de guerre par les soldats russes et exercées majoritairement sur les femmes et les enfants.

État de la situation

Pramila Patten, représentante spéciale des Nations unies sur les violences sexuelles en temps de guerre, a tiré la sonnette d’alarme en faisant état des cas de violences sexuelles montant en flèche et dont les femmes sont en première ligne. Madame Patten a également souligné que de plus en plus de cas de violences sexuelles exercées sur des garçons et des hommes sont à déplorer.
Rien que pour les deux premières semaines du mois d’avril, la Commissaire aux droits de l’homme du Parlement ukrainien, Lyudmyla Denisova, a déclaré que son bureau avait reçu environ 400 plaintes pour signaler des agressions sexuelles et ces chiffres ne sont que le sommet de l’iceberg. En effet, toutes les victimes n’osent pas signaler les viols en raison de la stigmatisation que cela provoque mais aussi par peur de représailles.
Ces viols perpétrés par les soldats russes sur des femmes, des filles parfois mineures et même des enfants en bas âge, sont utilisés de façon systématique comme de véritables armes de guerre pour briser les populations et le tissu familial.

Cadre international

Dans son dernier rapport, le Conseil de sécurité des Nations-Unies définit les « violences sexuelles liées aux conflits » comme étant des « violences recouvrant des actes tels que le viol, l’esclavage sexuel, la prostitution forcée, les grossesses forcées, l’avortement forcé, la stérilisation forcée, le mariage forcé, ainsi que toute autre forme de violence sexuelle d’une gravité comparable, perpétrés contre des femmes, des hommes, des filles ou des garçons, et ayant un lien direct ou indirect avec un conflit ». Ce terme « renvoie également à la traite des personnes à des fins de violences ou d’exploitation sexuelles lorsqu’elle s’inscrit dans des situations de conflit ».
Le Conseil de sécurité relève également que « les causes profondes de la violence sexuelle liée aux conflits, notamment la militarisation et la prolifération des armes, l’impunité, l’effondrement des institutions, les inégalités structurelles fondées sur le genre et les normes sociales néfastes, ont été exacerbées par une confluence des crises humanitaires, des crises politiques et des crises en matière de sécurité ».

La reconnaissance des violences sexuelles comme crimes de guerre

La reconnaissance de ces crimes est depuis longtemps une réalité :
Au niveau international, le Statut de Rome, qui institue la Cour pénale internationale, qualifie le viol, l’esclavage sexuel, la prostitution forcée, la grossesse forcée, la stérilisation forcée ou toute autre forme de violence sexuelle de gravité comparable, de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité. Le Droit international humanitaire coutumier interdit spécifiquement le viol et les autres formes de violence sexuelle dans les conflits armés. Enfin, les résolutions 1325 et 1820 du Conseil de sécurité des Nations-Unies, reconnaissent également ces crimes.
Au niveau européen, une résolution sur la lutte contre l’impunité des crimes de guerre en Ukraine et reconnaissant aussi ces crimes de violences sexuelles, a été débattue et votée au Parlement européen hier.
Il était donc évident, en tant que député.e.s, que nous nous saisissions de cette question au vu de la crise actuelle. C’est ainsi que j’ai déposé avec mes collègues une résolution relative à l’ouverture d’une enquête pénale internationale sur les actes de violence sexuelle commis dans le cadre du conflit armé en Ukraine, disponible ici.

Ce que la Belgique fait déjà

Le 2 mars 2022, 38 États parties – dont la Belgique et 25 autres États membres de l’UE – ont déposé une requête demandant au Procureur de la CPI d’enquêter sur la situation en Ukraine. Le 1er mars, la Lituanie avait déjà introduit seule une requête portant sur cette situation. Le 11 mars, deux États parties supplémentaires, le Japon et la Macédoine du Nord, ont déféré la situation en Ukraine à la Cour.
L’enquête en soi va aussi investiguer les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité y compris les viols et violences sexuelles.  Dans ce contexte, le Procureur du CPI a lancé un appel général à des contributions financières additionnelles et à une mise à disposition gratuite de personnel en précisant bien que celles-ci devront permettre à son Bureau “de répondre à ses besoins urgents en matière de ressources”. Le gouvernement fédéral a alloué une contribution volontaire de 500.000 euros au Fonds d’affectation spéciale (« Trust Fund ») de la CPI pour cette enquête. Les domaines prioritaires auxquels ces contributions seraient allouées sont l’utilisation des nouvelles technologies dans la recherche et l’analyse de preuves; l’octroi d’un soutien psychosocial renforcé aux témoins et aux survivants et mesures additionnelles de protection et de soutien aux témoins; le renforcement des capacités spécialisées en matière d’enquêtes sur les crimes de violence sexuelle et sexiste et les crimes contre les enfants. Voici le lien vers l’enquête en cours : https://www.icc-cpi.int/ukraine

Que demande la Résolution ?

La Chambre des Représentants, par cette résolution, commence par condamner le recours aux violences sexuelles comme arme de guerre. Elle demande ensuite, notamment, en complément aux initiatives déjà prises

  • de soutenir de façon proactive l’appel des Nations Unies à ouvrir une enquête indépendante sur les viols et les violences sexuelles perpétrés en Ukraine;
  • de demander instamment à la Cour pénale internationale de mener également une enquête approfondie et indépendante sur les témoignages de violences sexuelles en tant qu’arme de guerre en Ukraine et d’identifier, de poursuivre et de punir ces criminels;
  • de fournir, dans le cadre de l’accueil des expatriés ukrainiens, le soutien psychologique et l’assistance médicale nécessaires au cas où il s’avérerait que des personnes ont été victimes de violences sexuelles, et de prendre les mesures nécessaires pour que ces témoignages soient soigneusement documentés afin qu’ils puissent être transmis aux instances internationales compétentes.

En conclusion

Les violences sexuelles dans un contexte de guerre abîment les victimes et leurs familles autant que des bombes. Il était donc pertinent que le Parlement puisse clairement exprimer son soutien à toutes les démarches pouvant contribuer à mettre fin à ces violences, documenter ces crimes, prendre soin des victimes et mettre fin à l’impunité de leurs auteurs. C’est désormais chose faite avec l’adoption de cette résolution !