Le World Inequality Lab (WIL) a publié son rapport réalisé en octobre 2021 sur les inégalités mondiales dont un volet spécifiquement sur les inégalités en matière d’émission de CO2.

Dans ce rapport, le WIL souligne les grandes disparités qui existent dans le monde sur base d’études menées ces quatre dernières années par une centaine de chercheurs du monde entier.

Parmi les inégalités mises en lumière dans le rapport, on trouve les inégalités de revenus (le salaire perçu par un individu) et de richesse (le patrimoine dont dispose un individu), les inégalités hommes-femmes et les inégalités en matière d’émission de CO2 liées aux inégalités de revenus et de patrimoine.

Le constat est clair : les 10 % les plus riches de la planète disposent de 52 % du revenu mondial, alors que la moitié la plus pauvre n’en gagne que 8 %. Du point de vue du patrimoine, la moitié la plus pauvre de la population est presque dépourvue de patrimoine et ne possède que 2 % de la richesse mondiale alors que les 10 % les plus riches en détiennent 76 %.

Les inégalités actuelles seraient par ailleurs comparables à celles du 19e siècle, ère de l’impérialisme occidental.

Le rapport met aussi en lumière les inégalités en matière d’émission de gaz à effet de serre (GES).

Une inégalité historique d’abord : Les inégalités historiques en matière d’émissions entre les régions sont très importantes : L’Amérique du Nord et l’Europe sont responsables d’environ la moitié de toutes les émissions depuis la révolution industrielle. La Chine représente environ 11 % du total historique et l’Afrique sub-saharienne à peine 4 %.

Une inégalité socio-économique surtout : En moyenne, les êtres humains émettent 6,6 tonnes de dioxyde de carbone (CO2) par personne et par an (d’après ce rapport, d’autres chiffres tournent entre 5 et 6 tonnes). Le rapport montre néanmoins que derrière cette moyenne se cachent d’importantes disparités au sein de la population mondiale : les 10 % des plus fortunés sont responsables de près de 50 % des émissions, soit 31,2 tonnes de CO2/personne/an en moyenne, tandis que les 50 % du bas de la distribution n’en produisent que 12 %, soit 1,6 tonnes de CO2/pers/an en moyenne

Rien que les 1 % les plus fortunés ont émis 17 % des gaz à effet de serre mondiaux !

Petit rappel utile : pour atteindre la neutralité carbone en 2050, chaque être humain ne pourra émettre que 2 tonnes de GES/an ! Eu pour atteindre nos objectifs 2030, on devrait arriver à 2,5 tonnes/pers/an.

Interprétation : La part du patrimoine détenue par les milliardaires dans le monde est passée de 1 % du patrimoine personnel total en 1995 à près de 3,5 % aujourd’hui. Le seuil pour entrer dans le top 0,01 % , composé de 520 000 adultes, est passé de 693 000 € (PPP) en 1995 à 16 666 000 € aujourd’hui. Le patrimoine personnel net est la somme de tous les actifs financiers (obligations ou capitaux propres) et non financiers (immobilier et foncier) détenus par les individus, net de leur dettes. Sources et séries :
wir2022.wid‧world/methodology, Bauluz et al. (2021) et mises à jour.

Une inégalité Nord-Sud demeure : en moyenne, les habitants des pays « riches » émettent plus que les habitants des pays à faibles et moyens revenus. Ce sont aujourd’hui les pays de la péninsule arabique dont la moyenne par habitant ets le plus élevée. Viennent après le Canada et les Etats-Unis, puis seulement l’Allemagne et la Chine, et puis plusieurs pays européens.

Mais ces inégalités ne sont pas simplement une affaire qui opposerait pays « riches » et pays « pauvres ».

En effet, il existe des gros émetteurs de CO2 dans les pays à revenus faibles ou moyens et de petits émetteurs dans les pays riches. Ainsi, en Europe, « la moitié la plus pauvre de la population émet environ cinq tonnes par an et par personne ; en Asie de l’Est, elle émet environ trois tonnes et en Amérique du Nord environ dix ». En Europe, les 10 % des plus gros émetteurs sont responsables de 29,2 tonnes de CO2/pers/an, alors qu’en Amérique du nord, et c’est la catégorie avec la plus grosse disparité, 10 % des plus gros émetteurs sont responsables de 73 tonnes de CO2/personne/an.

Il faut aussi constater que, en termes d’émission de tonnes de CO2 par habitant, la moitié la plus pauvre de la population des pays riches répond presque aux objectifs climatiques qu’ils se sont fixés pour 2030. Ce constat n’est évidemment pas le même pour la moitié la plus riche de la population.

Quelle conclusion ?Le rapport en conclut que la politique climatique doit cibler les pollueurs aisés et donc être basée davantage sur leur patrimoine et non sur la consommation de CO2 de manière générale. Une redistribution des richesses est dès lors primordiale pour diminuer les inégalités mondiales et lutter contre le réchauffement climatique. Le rapport pose dès lors la question de la pertinence sociale d’une taxation carbone, qui présente le risque d’impacter davantage les personnes à faibles et moyens revenus. Si cette question est fondamentale, il mérite de s’y arrêter (ailleurs) pour analyser plus prêt les opportunité d’une taxation carbone, et les outils pour en maîtriser les impacts socialement injustes.

On fait quoi avec cela ?Ce qui est sûr, c’est que le travail pour une transition juste doit s’intensifier !

On en a débattu en commission avec la ministre Khattabi cette semaine. Elle a pu rappeler les axes sur lesquels elle travaille au niveau européen et national : une réelle politique du pollueur-payeur, une réforme du système d’échange des droits d’émission, la création d’un fond social pour le climat (au niveau européen), un bonus climat revenant aux ménages (à partir des recettes perçues par la fiscalité environnementale), …

A suivre donc !