Point sur les brevets des vaccins COVID-19

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J’écrivais déjà sur ce sujet en février dernier, dans un article paru sur mon blog.

J’y expliquais le problème d’accès universel et égal au vaccin et le blocage des droits de propriété intellectuelle. J’y expliquais que les géants du secteur pharmaceutiques bloqueent la production massive du vaccins en utilisant l’exclusivité de leurs brevets, qui leur permettent de protéger « la recette » de leur produit pendant 20 ans. Des demandes de dérogation temporaire ont été déposées afin de produire plus de vaccins, plus rapidement et à moindres coûts et permettre à plus de personnes d’être vaccinées. A côté de cela, je vous expliquais le système COVAX, qui rassemble 190 pays et vise à octroyer un accès minimum des pays à revenus faibles ou intermédiaires au vaccin contre le Covid-19.

Presqu’un an après la rédaction de cet article et arrivant à la fin de l’année 2021, il est temps de faire le point sur la situation.

Qu’en est-il de la vaccination mondiale ?

Les efforts menés pour vacciner largement toute la population mondiale face au virus restent trop lents. A la mi-novembre, nous comptions seulement 2% de la population des pays à faibles revenus entièrement vaccinée¹. Début décembre, nous atteignions 3% seulement².

A la date du 20 décembre, seule 7,6% de la population des pays à faibles revenus en ont reçu au moins une dose de vaccin³^.

D’un autre côté, ces quatre derniers mois, les pays riches ont administré plus de doses de rappel que l’ensemble des doses administrées dans les pays les plus pauvres depuis le début de la pandémie. (Source : Oxfam, lettre ouverte à Macron⁴)

En bref, la population mondiale reste fort peu vaccinée, et ce alors même que tout le monde s’accorde à dire que personne ne sera protégé contre le virus (et ses variants) tant que tout le monde n’est pas protégé !

Où en est l’initiative solidaire COVAX ?

Pour rappel, COVAX est la mobilisation mondiale visant à octroyer un accès minimum des pays à revenus faibles ou intermédiaires au vaccin contre le Covid-19 et ce par deux canaux ; le premier consistant à récolter des fonds lui permettant d’acheter une part du marché des vaccins et le second offrant un cadre aux pays à revenus élevés leur permettant de mettre à disposition des doses de vaccins supplémentaires par le biais d’accords bilatéraux conclus avec des participants du COVAX.

Alors que son objectif initial en février 2021 était de récolter 1,3 milliard de doses d’ici fin 2021⁵, le COVAX a permis de distribuer 610 millions de doses à 144 pays en date du 6 décembre 2021, soit moins de la moitié de son objectif du COVAX.

La Belgique de son côté s’était engagée à contribuer avec 4 millions de doses au système COVAX en 2021, elle aura finalement contribué avec 7,3 millions de doses d’ici fin 2021. Notons que ces doses sont des excédants de commandes et qu’elles pourront être comptabilisées comme Aide publique au développement.

En bref, le système COVAX peine à atteindre ses objectifs, et reste fort lié à une logique de « dons » basés sur le bon vouloir des pays donateurs et ne contraint en rien le secteur pharmaceutique à revoir ses pratiques orientées vers le profit.

Quid de la levée temporaire des brevets ?

Pour rappel, un des problèmes centraux dans l’égal accès au vaccin est le blocage par les géants du secteur pharmaceutique de la levée de leurs brevets, protégée par la propriété intellectuelle garantissant la protection de l’invention. De ce fait, les « recettes » des vaccins sont protégées pendant 20 ans. Cette problématique empêche de produire le vaccin à grande échelle et à moindre coût. Rappelons qu’une levée des brevets est une disposition prévue par l’article IX de l’accord de Marrakech qui a fondé l’OMC, pour des circonstances exceptionnelles. Elle a déjà été utilisée à une occasion, pour les traitements du VIH.

Actuellement, une centaine d’entreprises des pays du Sud auraient les capacités de fabriquer des vaccins mRNA si elles avaient accès à la formule⁶.

Pendant ce temps là, des bénéfices indécents sont faits :

Tout en pesant de tout leur poids contre la levée de leurs brevets, les entreprises à l’origine de deux des vaccins COVID les plus performants – Pfizer-BioNTech et Moderna – réalisent des bénéfices combinés de 65.000 dollars par minute soit 1.000 dollars par seconde. Ces deux entreprises ont livré moins d’1% de leurs doses aux pays à faibles revenus (communiqué de la People’s Vaccine Alliance⁷)

Il serait nécessaire de leur rappeler que ces entreprises ont bénéficié de plus de 8 milliards de dollars d’investissements publics, pour combler le risque financier initial au développement des vaccins.

Lors d’une réunion interne de Pfizer-BioNTech, les profits récoltés par le vaccin Covid-19 a été estimé à 36 milliards de dollars pour 2021. Ces chiffres dépassent leurs propres projections et représentent le plus grand profit jamais réalisé par un médicament dans l’Histoire. Leurs profits pourraient même atteindre 55 milliards en 2022, soit l’équivalent du PIB de la Croatie⁸.

Pour certains, ces profits ne semblent pas suffire. En effet, selon une enquête du centre de recherche néerlandais sur les multinationales SOMO (juillet 2021), le fabricant de vaccins Moderna utilise des structures d’évasion fiscale pour transférer ses bénéfices vers la Suisse et l’État américain du Delaware. Au total, 1,5 milliard de doses du vaccin Moderna ont été commandées pour 2021 et 2022, dont 460 millions de doses pour l’UE et 500 millions pour les États-Unis. Cela coûtera à l’Union européenne 10,3 milliards de dollars et aux États-Unis 7,5 milliards de dollars. L’étude estime que la société générera quelque 18,4 milliards de dollars de revenus grâce aux ventes de vaccins contre le coronavirus en 2021 seulement⁹.

Plusieurs initiatives ont vu le jour pour amener l’Europe à soutenir la levée des brevets

Le Parlement européen s’est déjà prononcé 3 fois en faveur d’une levée des brevets. Il a à nouveau voté un amendement porté par les Verts appelant la levée des brevets. Voici le résultat des votes par député européen (vote 39, page 81)¹⁰

Pour résumer, côté belge:

– Ont voté pour :

G. Verhofstadt, M. Arena, M. Tarabella, K. Van Brempt, M. Botenga, S. Bricmont, P. Lamberts, S. Matthieu

– Ont voté contre : G. Bourgeois, A. Kanko, J. Van Overtvledt, G. Annemans, P. De Man, T. Vandendriessche, H. Vautmans, P. Arimont, B. Lutgen, O. Chastel, F. Ries

– Se sont abstenus : T. Vandenkendelaere

Par ailleurs, Cindy Franssen n’a pas voté (absente)

Du côté des états membres de l’UE, des avis se profilent sur la levée des brevets :

L’Espagne est en faveur
Le parlement italien s’est prononcé en faveur mais n’a pas été écouté par son gouvernement.
Situation similaire pour le Sénat irlandais (y compris avec des voix des partis de gouvernement), mais le gouvernement est encore contre.
La position de l’Allemagne est incertaine. Malgré que le ministre de la Santé se soit prononcé en faveur de la levée avant la formation du gouvernement, le Chancelier ne s’est pas encore positionné.

Mais ce n’est pas tout, la population belge soutient également la levée des brevets des vaccins contre le covid-19. Ainsi, selon le sondage IPSOS publié en novembre dernier par le Vif, 63% des Belges soutiennent la levée des brevets (contre 29% indécis et seulement 8% contre).

A côté de cela, plus de 32.000 Belges ont signé une initiative citoyenne européenne appelant à la levée des brevets (chiffre 17 décembre 2021)¹¹. C’est un moyen de proposer une proposition de loi concrète à la Commission Européenne.

Bien qu’il n’y ait pas encore d’accord au sein de l’OMC, la Directice générale a dit le 16 décembre :

« Ease of use, easy of distribution and affordability. These are things that could be unleashed much more if we came to these kinds of agreements, », « We are getting close to an answer, a solution », « On the other hand, it looks to me that there is an orchestrated effort to block success on the issue¹² ».

Notre action au fédéral

Du côté du gouvernement fédéral, ma collègue Laurence Hennuy et moi-même continuons à faire pression. J’ai encore interrogé la Ministre Sophie Wilmès le 20 décembre en commission à propos de la position de la Belgique au sein de l’Europe sur la levée temporaire des brevets. Mme Wilmès m’a informée que pour la Belgique, il était important d’arriver à un accord sur la levée des restrictions liées à l’exportation de composants pour les vaccins et qu’elle insistait fortement pour que l’état d’urgence actuel soit maintenu. La Ministre se repose sur la Commission et réclame qu’elle continue à jouer son rôle moteur dans la discussion en vue d’un accord rapide. Je lui ai rétorqué qu’il était crucial, maintenant plus que jamais, que le gouvernement fédéral endosse une position plus active dans les débats pour la levée des brevets.

Je l’ai également interrogée si un éventuel accord au sein de l’OMC était attendu dans les prochaines semaines. Elle m’a informée que les négociations étaient en cours et s’étaient intensifiées. On pourrait espérer obtenir un accord prochainement.

En tant qu’écologistes, nous continuerons à utiliser les leviers à notre disposition pour demander un vaccin accessible à tous et à moindres coûts. On le sait, le vaccin pour toutes et tous est à la fois une nécessité morale mais également une nécessité sanitaire. Personne n’est en sécurité tant que tout le monde n’a pas accès à des traitements et des vaccins sûrs et efficaces.