Les cyberviolences et le cyberharcèlement

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Les cyberviolences sont un phénomène de société qui va en s’accroissant.

2020 et la crise du Coronavirus ont vu exploser l’utilisation d’Internet et des réseaux sociaux. En parallèle de l’augmentation de 70% de l’utilisation d’Internet durant la crise, et d’un engagement sur les réseaux sociaux toujours plus grand (+60%), nous avons connu une explosion des cyberviolences.

Ces cyberviolences prennent des formes très variées : du cyberharcèlement au cybercontrôle, en passant par l’usurpation de l’identité ou le revenge-porn…

Ces cyberviolences touchent potentiellement toutes et tous. Néanmoins, on peut identifier que certains « groupes » y sont particulièrement exposés. Les jeunes d’une part et les personnalités publiques (hommes et femmes politiques, personnalités médiatiques, expert•e•s,…) d’autre part.

Nous ne sommes cependant pas toutes et tous égaux lorsque nous évoluons dans l’espace numérique.

Les femmes sont des cibles privilégiées des violences en ligne ainsi que les « minorités », à savoir, les personnes victimes au quotidien de discriminations.

Le 12 mai sortait un documentaire interpellant sur le cyberharcèlement. Le documentaire « Sale Pute » de Myriam Leroy et Florence Hainaut.

Ce documentaire illustre très bien l’incroyable violence que vivent certaines femmes sur les réseaux sociaux, mais aussi sur la dimension systématique et orchestrée de ces pratiques. Il nous interpelle aussi sur le fait qu’elles sont très largement non-régulées par les plateformes, et qu’elles ne reçoivent pas le suivi adéquat lorsque des plaintes sont déposées.

Ce documentaire montre très bien par ailleurs que les cyberviolences ne sont pas sans conséquences sur celles et ceux qui les subissent. A ce titre, il est documenté que 76% des femmes qui ont subi du cyberharcèlement vont modifier leur manière d’utiliser ces plateformes, soit en s’auto-censurant, soit en quittant certains réseaux sociaux. Ceci implique dans leur chef des stratégies d’évitement : limiter leur propre expression, éviter certaines plateformes, ne pas aborder certains sujets, se garder d’obtenir trop de visibilité. C’est finalement la triste continuité des stratégies mises en place au quotidien par ces femmes, dans le domaine de l’emploi ou dans la rue.

Mais il ne faut pas croire que les cyberviolences n’ont de conséquences que sur la vie en ligne. Elles génèrent stress, anxiété, et dans certains cas se prolongent ou sont le prolongement de violences physiques. Ces violences peuvent, dans des cas extrêmes mais pas exceptionnels, mener à la mort de la victime, lorsqu’elles aboutissent à un suicide ou à un meurtre.

 

Les écologistes avancent sur ces enjeux

Le gouvernement fédéral s’est engagé à lutter contre toutes formes de violences faites aux femmes dans son accord de gouvernement. Il a ainsi fait de la Convention d’Istanbul sa ligne directrice pour lutter contre la violence faite aux femmes en adoptant une approche intégrale, en en faisant une priorité et en dégageant les ressources suffisantes pour y arriver. Le gouvernement s’est également engagé à renforcer les centres de prise en charge des violences sexuelles ainsi que renforcer le rôle de l’Institut pour l’égalité des femmes et des hommes pour mettre en œuvre ces engagements. La Sécrétaire d’État Sarah Schlitz y travaille tous les jours et prépare un nouveau Plan National de lutte contre les violences faites aux femmes qui intégrera largement les cyberviolences.

Au niveau du parlement fédéral, une révision de la constitution est en cours par le travail des écologistes (par mes collègues Claire Hugon et Kristof Calvo). L’article 150 de la Constitution sera revu pour permettre de lutter efficacement contre toutes les insultes en ligne.

Le parlement fédéral, sous la coordination de Gilles Van den Burre, a voté une résolution visant à renforcer la transparence et la responsabilité des plateformes et médias sociaux quant aux contenus et aux informations en ligne. Dans les demandes, on trouve notamment le fait d’exiger des plateformes de mieux réguler les propos haineux tenus par leurs utilisateurs, et former les autorités judiciaires à la gestion des infractions.

Au niveau du parlement francophone Bruxellois, le 21 mai une résolution des écologistes, portée par Margaux De Ré, était votée avec 6 recommandations, notamment développer des campagnes de sensibilisation et d’information, et la mise en place de formations pour les acteurs de terrain (policiers, services d’aide aux victimes et personnes de première ligne).

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Si les choses avancent, tout cela reste trop lent. Alors aujourd’hui, j’ai interrogé le Ministre de la Justice.

Je lui ai rappelé les dégâts du cyberharcèlement. J’ai aussi insisté auprès de lui pour lui rappeler que tous ces enjeux sont connus et documentés. Je lui ai rappelé au passage que plusieurs des intervenantes du documentaire « Sale Pute » continuent à être victime de cyberharcèlement, c’est notamment le cas de Manon, de son pseudo « Manonolita », dont le dernier témoignage a suscité une campagne de soutien sur les réseaux sociaux, notamment en réaction au fait que des plaintes auraient été déposées, et que le harceleur opère toujours.

Je lui ai rappelé l’horreur vécue il y a quelques jours par une adolescente de 14 ans qui a mis fin à ses jours suite à la mise en ligne d’images du viol dont elle a été victime, images prises par ses bourreaux.

Je lui ai rappelé que ces violences sont le lot journalier de trop de monde, et singulièrement de trop de femmes.

 

Je lui ai alors posé les questions suivantes :

– Quels types d’action sont-elles menées actuellement pour renforcer notre système judiciaire face aux cyberviolences en général, et au cyberharcèlement en particulier ?

Quelles perspectives donne-t-il aux victimes de ce type de harcèlement ?

Le Ministre m’a apporté plusieurs éléments de réponse.

Il a mentionné que le projet de réforme du code pénal renforce la lutte contre les cyberviolences en élargissant le champ d’application des infractions de calomnie et diffamation, d’injure, de faux informatique et d’usage de faux, créer un faux nom ou d’utiliser celui d’un autre, à la dimension « online ». De nouvelles infractions visées à protéger davantage les mineurs verront par ailleurs le jour : la délinquance sexuelle en ligne, le grooming, la cyberprédation, le voyeurisme, la diffusion non consensuelle d’images à caractère sexuel. Il a enfin rappelé que les dispositions liées au harcèlement s’appliquent au cyberharcèlement.

En outre, un meilleur accès aux informations détenues par les services de communication électronique quant à l’identité de présumés auteurs d’infraction et leurs contacts avec les victimes sera améliorée.

A propos des initiatives spécifiques à l’accueil des victimes et à l’aide qui leur est fournie, le Ministre a rappelé les dispositifs d’assistance disponibles sur le site de l’Institut pour l’égalité des femmes et des hommes, celle des associations de terrain et des lignes d’assistance des Communautés.

J’ai conclu en disant trois choses :

Tout d’abord que mettre à jour le Code Pénal est en effet nécessaire. J’ai enfin insisté sur le fait que si changer la loi est important, la faire appliquer aussi ! Des outils existent déjà pour protéger les victimes, et pourtant la violence dont elles sont victimes restent encore beaucoup trop largement impunies. L’actualité de ces derniers jours nous crie que c’est tout simplement insupportable.

J’ai enfin rappelé la nécessité d’affecter les moyens nécessaires et adéquats dans la lutte contre la cyberviolence.

Dans cette optique, j’ai une nouvelle fois insisté pour que la violence faite aux femmes et la violence en ligne soit une priorité numéro un, au sein de la politique de notre gouvernement, au sein de la justice, au sein de la police et qu’il faut y investir les moyens financiers nécessaires pour y arriver.

Le travail continue…

Le numérique doit se mettre au service des citoyen•ne•s. Ainsi, s’attaquer à ces zones grises que sont les cyberviolences, et qui empêchent le web et les plateformes sociales de remplir justement leur mission sociale, constitue un enjeu politique important.

Il s’agit de construire un monde numérique à l’image de la société souhaitée par les écologistes : un monde apaisé, inclusif, ou chacun•e se sent légitime d’évoluer et d’exprimer ce qu’il•elle est.