La problématique des mariages forcés

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Qu’est-ce qu’un mariage forcé ?

L’article 16 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme quant à elle énonce que «Le mariage ne peut être conclu qu’avec le libre et plein consentement des futurs époux ».

Les mariages forcés sont définis selon l’Institut pour l’Egalité des femmes et des hommes comme « étant l’union de deux personnes dont l’une au moins n’a pas donné son libre et plein consentement au mariage ». Il existe donc une contrainte physique dans le chef de la victime ainsi qu’une contrainte morale, bien plus difficile à décerner. La victime a ainsi contracté mariage à la suite de certaines formes de menaces, pressions ou contraintes qu’elle a subies.

La Convention dite d’Istanbul reconnaît le mariage forcé comme une violation grave des droits humains des femmes et des filles et un obstacle majeur à la réalisation de l’égalité entre les femmes et les hommes.

Notons que des hommes peuvent aussi en être victime, en grande partie des hommes identifiés comme homosexuels.

Que dit la loi belge ?

Au niveau du code pénal, les mariages forcés y sont entrés via une loi du 25 avril 2007 (en vigueur depuis le 25 juin 2007). Cette loi stipule (art. 391Sexies) que toute personne qui, par des violences ou des menaces, aura contraint quelqu’un à contracter un mariage sera punie d’un emprisonnement d’un mois à 2 ans ou d’une amende de 100 à 250 euros.

Au niveau du code civil, il prévoit (art. 146ter) une clause de nullité spécifique pour le mariage forcé. La nullité peut même être réclamée à posteriori.

Une circulaire (COL 06/2017) du ministre de la Justice et du Collège des procureurs généraux existe aussi depuis 2017. Cette circulaire vise les violences dites liées à « l’honneur », dont une des trois dimensions est le mariage forcé. Cette circulaire cible des points d’attention pour l’intervention policière, de poursuites d’enquête et de collaboration entre les instances.

Par ailleurs, depuis 2010 la lutte contre les mariages forcés a été intégrée dans le Plan d’Action National contre les violences. Ce plan se focalise sur la prévention et la sensibilisation aussi bien des jeunes en milieu scolaire que des professionnels des milieux de police, justice, santé, enseignement et social.

Des parcours de violence

Les jeunes femmes (ou garçons) victimes de projet de mariage sont très isolées et souvent n’osent pas porter plainte par peur des représailles ou par souci de protéger l’honneur de la famille. Par ailleurs , les preuves ne sont pas toujours faciles à apporter.

Les mariages forcés peuvent mener à d’autres type de crimes dits « d’honneur ». Ainsi, selon la présidente de l’ASBL Violences et mariages forcés (VMF), une jeune fille qui refuse un mariage arrangé ou s’enfuit d’un mariage forcé s’expose potentiellement à de graves violences (pouvant mener jusqu’à l’assassinat) par sa famille ou sa communauté1.

De combien de mariages parle-t-on ?

Alors que des progrès étaient entrain d’être réalisés et que 25 millions de mariages d’enfants ont été évités au cours de la dernière décennie, un rapport publié par UNICEF démontre que la crise COVID-19 a ravivé le risque de mariages forcés. La fermeture des écoles, l’absence d’amis et de réseaux de soutien et l’augmentation de la pauvreté ont augmenté le risque pour les filles du monde entier d’être victime d’un mariage forcé. Selon leur rapport, dix millions de filles supplémentaires risquent de subir un mariage forcé au cours de la prochaine décennie2.

Ces chiffres démontrent que les progrès réalisés au cours des dernières années sont davantage menacés par la crise actuelle.

Au niveau belge, il existe peu de chiffres comptabilisant les mariages forcés en raison de la difficulté de les identifier.

Il existe une étude datant de 2013, analysant le phénomène des mariages forcés sur le territoire de la Région de Bruxelles-Capitale3. Encore une fois, cette étude démontre la difficulté d’obtenir des chiffres fiables. Elle a également démontré la nécessité de renforcer les outils de prévention, de sensibilisation et d’information mais aussi les mesures visant à assurer un suivi efficace des victimes.

Selon le précédent Ministre de l’intérieur, le nombre de mariages forcés constatés par la police étaient de 10 en 2015, 15 en 2016, 21 en 2017, 28 en 2018, 20 en 20194 et 4 pour le premier semestre de 2020.

Les chiffres des mariages forcés ont augmenté pendant la crise du COVID-19. Ainsi, sur la région de Mons où se trouve l’ASBL VMF, 6 cas de mariages forcés avaient déjà été enregistrés depuis la 2e vague durant la crise, les frontières étant rouvertes.

Quels sont les leviers pour lutter contre ces mariages forcés ?

La prévention bien sûr … Dans les écoles pour informer les potentielles victimes de leurs droits et des soutiens existants, mais aussi leurs camarades de classe qui peuvent être des allié•e•s.

La formation des équipes de premières lignes doit être poursuivie pour permettre de détecter et enquêter efficacement sur les situations à risque : au niveau de la police, des parquets, etc.

Il faut aussi des chiffres à jour. Des données sont nécessaires afin de mesurer l’ampleur du problème et doivent donc être considérées comme primordiales.

Il faut des moyens pour les associations qui prennent en charge les personnes qui ont fui leur domicile pour s’extraire d’un risque de mariage ou d’un mariage forcé.

Une autre piste à suivre est celle du changement de nom. En effet, quand un personne a trouvé le moyen de fuir un mariage forcé, le risque est grand d’être retrouvée par son entourage. Certaines émettent la nécessité de « disparaître » via un changement de nom pour ensuite se reconstruire. La procédure de changement de nom peut toutefois être longue et onéreuse. Il existe des mesures de protection visant à mettre à l’abri les victimes de mariages forcés et les témoins durant la procédure judiciaire mais ces mesures peuvent ne pas être suffisante. Une simplification de la procédure de changement de nom pourrait être une solution permettant de mieux protéger les victimes.

Mon action au niveau du parlement

J’ai ainsi interrogé la Secrétaire d’État à l’égalité, Sarah Schlitz5 à ce sujet. Je lui ai posé les questions suivantes.

– de quelle manière aborderez-vous le problème dans votre prochain Plan d’Action National contre les violences ?

– Quelles sont les nouveautés que vous introduirez?

– Avez-vous prévu de commanditer une nouvelle étude sur le mariage forcé afin d’avoir des données chiffrées et pouvoir répondre à ces violences le plus efficacement possible?

La Secrétaire d’État Sarah Schlitz m’a indiqué que l’Institut pour l’Egalité des femmes et des hommes avait publié un code de signalement des mariages forcés à l’attention des Officiers d’État civil. Une évaluation du recours à ce code sera par ailleurs prochainement approfondie. Elle m’a par ailleurs indiqué que le prochain PAN comportera le mariage forcé comme point d’attention particulier.

Je continuerai à travailler au parlement pour une lutte plus efficace contre les mariages forcés et un meilleur dénombrement des cas. La prochaine étape est une question au Ministre de la justice pour avoir les dernières données à jour.

 

Plus d’infos ?

→ Site de l’asbl vmf

→ site de la fédération des centres de planning familial (FPS)

 

1La Province, « Déjà 6 mariages forcés depuis la 2e vague », 11 janvier 2021, p.4