Les mutilations génitales féminines
Dans le cadre de la journée internationale de la tolérance zéro à l’égard des mutilations génitales féminines du 6 février, j’ai fait le point sur cet enjeu.
Qu’est ce que c’est ?
Les mutilations génitales féminines (MGF) recouvrent l’ensemble des interventions qui consistent à altérer ou à léser les organes génitaux de la femme pour des raisons non médicale. On parle donc des pratiques diverses, souvent catégorisées sous le termes d’excision, allant de l’ablation (totale ou partielle) du clitoris jusqu’à l’infibulation.
Les MGF sont reconnues comme des violations des droits humains et des droits des femmes et des filles et plus particulièrement le droit à disposer de son corps, le droit à la santé, à l’intégrité physique et même le droit à la vie lorsque les conséquences sont létales.
Au niveau international, les mutilations génitales féminines sont directement visées par la Convention d’Istanbul.
En Belgique, le code pénal assortit d’une peine de 3 à 5 ans de prison, une personne qui pratiquerait, faciliterait ou favoriserait une MGF ainsi qu’un emprisonnement de 8 jours à un an pour la tentative1. Le droit belge permet également de poursuivre une personne qui se trouve en Belgique et qui a pratiqué, facilité ou favorisé une MGF à l’étranger.
En plus d’une sévère violation des droits fondamentaux précités, les MGF peuvent avoir de lourdes conséquences sur la santé physique et mentale de la victime. Ainsi les victimes peuvent ressentir des douleurs intenses, des hémorragies prolongées, des infections, de l’infertilité, des complications à l’accouchement et peut parfois provoquer des décès2. Les conséquences sur leur santé sexuelle et reproductive ainsi que leur santé mentale se prolongent toute leur vie.
De combien de femmes parlons-nous ?
L’UNICEF recense minimum 200 millions de filles et de femmes ayant subi une forme de mutilation génitale et vivant dans 31 pays d’Afrique, du Moyen-Orient et d’Asie. Toutefois, les survivantes et les risques existent également en Belgique. La dernière étude sur la prévalence des Mutilations génitales féminines en Belgique date de 2018 et a été initiée par l’Institut pour l’égalité des femmes et des hommes et réalisée par le GAMS3. Cette étude intitulée « Estimation de la prévalence des filles et femmes excisées ayant subi ou à risque de subir une mutilation génitale féminine vivant en Belgique » démontre qu’au 31 décembre 2016, 70 576 filles et femmes originaires d’un pays où se pratiquent les mutilations génitales féminines résidaient en Belgique. Parmi elles, 25 917 étaient concernées par les mutilations génitales féminines (soit déjà excisées, soit à risque) dont 9 164 mineures (moins de 18 ans). Le rapport montre que le risque d’excision touche à la fois des enfants nées à l’étranger ou nées en Belgique, et ont lieu soit dans le pays d’origine pendant un voyage, soit sur notre territoire, ou dans un pays européen voisin.
Vers qui se tourner ?
En Belgique, plusieurs associations s’occupent de l’accompagnement des femmes. C’est le cas du GAMS qui assure à la fois le sivi psycho-social des femmes qui fait un travail de sensibilisation dans les communautés concernées.
C’est aussi le cas de l’asbl INTACT qui aide les victimes au niveau juridique, et offre un soutien aux professionnels dans le suivi des signalements et des mesures protectionnelles.
Le centre CEMAVIE prend quand à lui en charge des complications des mutilations génitales féminines.
Les enjeux spécifiques des demandeuses d’asile
Un problème persiste dans le droit belge en ce qui concerne le droit au séjour. Dans un arrêt du 11 décembre 2019, le Conseil du contentieux des étrangers a considéré que le parent d’un enfant reconnu réfugié en raison d’un risque de mutilation génitale n’a pas de droit au statut de réfugié dérivé. Le CCE a en outre estimé qu’il y avait un vide juridique sur la question.
Des jeunes filles mineures se retrouvent donc dans des situations intenables sur notre territoire.
Interrogé par mon collègue S. Moutquin, le Secrétaire d’État Sammy Mahdi a informé que son cabinet examinait la possibilité d’un autre droit de séjour pour les parents dans cette situation. Il a souligné que la procédure 9bis est la seule voie légale possible mais que dès l’introduction d’une demande de protection internationale sur cette base par une enfant, l’OE regarde automatiquement si les parents avaient introduit une demande 9bis et, le cas échéant, traite cette demande « dans les meilleurs délais ».
Je fais le point au parlement
J’ai interrogé la Secrétaire d’État à l’égalité des chances à ce sujet4. Je lui ai posé trois questions :
– Cela fait depuis 2018 qu’il n’y a plus eu de rapport chiffré, envisagez-vous d’en réaliser un et si oui, pour quand pouvons-nous nous attendre à le lire ?
– Quelle stratégie existe-t-elle au niveau belge par rapport à ces pratiques contraires aux droits humains ?
– Êtes vous partie-prenante pour trouver des solutions pour un autre droit de séjour pour les parents des jeunes filles réfugiées pour risque de MGF ?
A cela, La Secrétaire d’État Sarah Schlitz a répondu qu’elle avait pour projet de lancer une nouvelle étude sur la prévalences des MGF en Belgique, qui devrait être disponible dans le courant de l’année 2022.
En ce qui concerne le droit au séjour de personnes ayant subi des mutilations génitales, elle m’a transmis sa volonté de collaborer avec le Secrétaire d’État à l’Asile et à la Migration sur cette problématique ainsi qu’avec le Ministre de la santé afin que soit enregistré effectivement les données sur les MGF dans les dossiers médicaux concernés dans chaque hôpital.
J’ai également interrogé la Ministre à la coopération au développement sur ce sujet5, en lui demandant :
– Quelle attention spécifique est faite contre les MGF dans votre politique de coopération au développement ?
– Quel est votre plan stratégique et quels sont les budgets alloués pour la lutte contre cette pratique ?
– Quels types de collaborations existent entre les acteurs de la coopération et les associations belges spécialisées sur ces questions?
La Ministre Meryame Kitir m’a répondu que l’égalité de genre et les droits des femmes et des enfants étaient des priorités dans la politique qu’elle aimerait mener. Elle a également souligné le rôle de contributeur et de membre de la Belgique de plusieurs organisations visant à lutter contre les mutilations génitales féminines. Selon elle, la Belgique a contribué à hauteur de 9 et 15 millions d’euros au Fonds des Nations Unies pour la population et pour Unicef. Outre cela, la Belgique subsidie le GAMS et Le monde selon les femmes. Elle a également mentionné participer activement aux groupes de travail sur la santé et les droits sexuels et reproductifs et au sein de Because Health.
J’ai accueilli cette réponse positivement et ai insisté sur le besoin de renforcer les interactions entre Enabel et la société civile.
D’autre part, le rapport du GREVIO6 a encore rappelé les manquements de la Belgique dans sa capacité à lutter efficacement contre les violences faites aux femmes, en ce compris les MGF. J’ai donc interrogé le Ministre de la Justice par rapport au suivi des MGF7. Ce dernier a rappelé l’existence d’un magistrat au sein de chaque parquet général et parquet du procureur du roi référant pour les crimes d’honneur et chargé de la sensibilisation et de l’appui de ses collègues sur ces matières. Ces personnes seraient formées par le GAMS et Intact et coopèrent avec l’Institut pour l’Egalité des femmes et des hommes. Les dossiers spécifiques liés aux mutilations génitales sont catégorisés comme tels mais ce n’est pas obligatoirement le cas. Ce principe serait une des raisons du manque d’une représentation générale du problème en Belgique. Le Ministre m’a également informé des derniers dossiers existants en Belgique : 4 pour 2018 et 2 pour 2019. Seulement un de ces dossiers n’a pas été classé sans suite. Le peu de suite données aux dossiers MGF ne sont pas représentatifs de la réussite ou non de la lutte contre les MGF en Belgique, puisque, selon le Ministre, l’accent est davantage porté sur la sensibilisation et la prévention plutôt que sur la répression.
Je continuerai à pousser au parlement pour une lutte plus ambitieuse contre les mutilations génitales féminines ainsi qu’une coopération et collaboration avec les acteurs de terrain et la société civile.
Lien vers le site du GAMS
Lien vers l’asbl INTACT
1 Article 409 du Code pénal