Ce sujet n’est pas nouveau. J’ai déjà à deux reprises écrit sur ce sujet pour dénoncer les failles du financement par BIO (notre Banque Belge de Développement) des projets agro-industriels, et spécifiquement celui des plantations d’huile de palme de Feronia-PHC. (→ voir mon premier article et mon second ).

Petit rappel

Feronia qui a bénéficié depuis 2013 de presque 150 millions d’USD des Banques européennes de Développement (BPD), dont 9,7 million d’euros par BIO et a déclaré faillite en juin 2020.

Lors du transfert des actifs à la société d’investissement « Straight KKM 2 Ltd », BIO a accepté d’annuler 50% de sa dette à la seule condition de réaliser un nouveau plan d’action environnemental et social (PAES ) pour améliorer les « aspects environnementaux et sociaux » du projet et la « situation des communautés vivant dans sa zone d’influence ». Si les objectifs du Paes sont atteint, la dette sera effacée jusqu’à 80%.

Rappelons qu’alors que Feronia-PHC était déjà en difficulté en 2015, le prêt accordé par la Belgique à l’entreprise était conditionné à la mise en place de mesures sociales et environnementales des communautés. Le ministre de la coopération de l’époque, Alexander De Croo, avait alors confirmé en 2019 que ces conditions étaient remplies à 85 % avant d’être contredit par des ONG ayant enquêté sur place. En outre, un problème d’accès à l’information et de transparence posait déjà problème à l’époque puisque ni la société civile, ni le parlement n’avait accès au dossier.

Les limites de l’investissement dans l’agriculture industrielle

Sur base de ce dossier Feronia, une coalition d’ONG a publié un rapport le 28 janvier 2021 : « Financement du développement sous forme d’agro-colonialisme : le financement des plantations d’huile de palme de Feronia-PHC en République démocratique du Congo par les banques européennes de développement »

Le rapport montre que les investissements dans l’agriculture industrielle par les banques pose des limites évidentes, est source de conflits, de violations de droits humains, de pollution et violent les droits des communautés locales.

Le rapport souligne tout d’abord la caractère colonial de ce type d’investissement qui repose sur l’accaparement des terres, l’exploitation des travailleurs et travailleuses et la destruction de la résilience.

Ensuite, le rapport souligne le manque de transparence de ce type d’investissement. Les banques de développement sont réticentes à investir dans des activités communautaires plutôt que dans des fonds de capital-investissement. Or, ces fonds de capital-investissement présentent des problèmes structurels de transparence et mettent leurs profits avant l’intérêt des populations.

Enfin, le rapport montre que ce type de projet se fait au détriment des exigences légales obligatoires et du respect des normes contraignantes en termes de droits humains et de respect de l’environnement au profit de mécanismes volontaires de règlement des plaintes pourtant souvent désavantageux pour les communautés locales.

Pour rappel, dans le cas de Feronia, les plaignants attendent toujours que leur procédure de médiation avec la BPD allemande DEG commence et ce, depuis 2018.

 

Intervention parlementaire

J’ai ainsi interrogé cet après-midi la ministre de la coopération au développement, Me Kitir à ce propos. Je lui ai posé quatre questions :

– Que savons-nous déjà du Plan d’action environnemental et social de KKM ? Quel est son planning de réalisation ? Pouvons-nous y avoir accès ?

– BIO s’est engagé à appuyer et accélérer la médiation devant découler du traitement de la plainte déposée par plusieurs communautés auprès du Mécanisme Indépendant de Plaintes (de la DEG, FMO et Proparco). Quand est-ce que le processus de médiation sera effectivement enclenché ?

– Quelle est la « stratégie de sortie » prévue par BIO ? Comment les communautés locales seront-elles associées à son élaboration ? Pouvons-nous y avoir accès ? Sera-t-elle présentée et débattue au Parlement ?

– Quel travail de fond envisagez-vous à ce stade pour mieux encadrer les investissements de BIO ?

A cela, la Ministre a répondu que ce dossier ne correspond évidemment pas à sa vision de la coopération au développement. Elle a en outre fait mention des contacts qu’elle avait eu avec le directeur de BIO et a justifié le non-retrait de la Belgique de Feronia par la protection des travailleurs locaux, actuellement employés par l’entreprise au Congo. Me Kitir a en outre mentionné le 30 juin 2022 comme date limite pour que BIO se retire entièrement de Feronia.

Elle s’est en outre engagée à faire accélérer le processus de médiation entamé en 2018 et bloqué, selon elle, par le COVID-19. Concernant le plan d’action de KKM, la Ministre nous annonce qu’on en trouvera un résumé sur le site web de BIO.

Elle a enfin annoncé un plan d’action pour améliorer les pratiques de BIO.

A cela, j’ai pu répliquer qu’à travers sa réponse, les mêmes problèmes structurels subsistaient. Tout d’abord le problème de transparence : depuis le début nous sommes face à des problèmes de transparence de la part de Feronia et BIO. Le parlement n’a pas accès aux plans d’action, aux analyses de risques et autres document utiles pour le contrôle démocratique. Et c’est encore le cas maintenant. Ensuite le manque de diligence de Feronia dans la recherche de solution dans les conflits avec les communautés locales. La crise sanitaire a bon dos !

Enfin, je lui ai également rappelé la nécessité d’avoir des critères actualisés et contraignants relatifs à l’octroi de financements au secteur privé par BIO.

Je continuerai à suivre ce dossier au parlement et à pousser pour que des changements structurels soient réalisés et non juste promis.

Pour un résumé de la situation, lire l’article du vif