Feronia est une entreprise canadienne qui a racheté des terrains de palmiers à huile en République Démocratique du Congo à Unilever (qui les avait acquis de façon litigieuse pendant la colonisation). C’est une entreprise du secteur de l’agro-alimentaire. Cotée en bourse, elle est financée par quatre banques de développement européennes (d’Allemagne, des Pays-Bas, du Royaume Uni et de Belgique*). Ces 6 dernières années, Feronia a déjà perçu 100 millions de dollars via les canaux de l’Aide Publique au Développement.
Depuis plusieurs années, le secteur ONG (notamment FIAN et le CNCD-11.11.11) nous alerte sur les pratiques litigieuses de Feronia. C’est maintenant au tour d’Human Rights Watch de tirer la sonnette d’alarme.
En effet, Human Rights Watch examine, dans un rapport du 25 novembre 2019, la responsabilité de BIO dans des pratiques abusives dans les plantations.
De quelles pratiques abusives s’agit-il ?
– Les travailleurs seraient exposé à des pesticides toxiques sans protection adéquate. Ils témoignent d’ailleurs de problèmes de santé préoccupants.
– Leur salaire se situe en deçà du seuil d’extrême pauvreté. C’est tout particulièrement le cas pour les travailleur·se·s journalier·ère·s, et, faut-il le souligner, encore pire pour les femmes.
– D’atteintes à l’environnement, notamment le rejet de déchets industriels non-traités dans les cours d’eau et à proximité des habitations, avec les impacts inévitables sur la santé que cela engendre.
– Des enjeux importants de manque de transparence.
– Des enjeux préoccupants de sécurité des travailleur·se·s contestataires. A ce sujet, j’avais déjà interrogé le ministre en commission le 15 octobre 2019 concernant l’assassinat d’un membre de l’organisation congolaise de défense de l’environnement et des droits de l’homme RIAO-RDC, M. Joël Imbangola Lunea. Ce dernier aurait, selon plusieurs sources été assassiné, par un agent de sécurité de la société Feronia. L’information judiciaire est toujours en cours, mais ce décès s’inscrit dans un climat inquiétant de criminalisation dans les plantations de Feronia voisines du lieu du meurtre.
En conclusion, ce rapport indique qu’à de nombreux d’égards BIO ne garantit ni le respect des normes internationales, ni la législation nationale en matière d’emploi et d’environnement. BIO manque dès lors à sa mission de favoriser un développement durable. Un comble.
Lors de la séance plénière de ce 28 novembre, j’ai interpellé le Ministre de la coopération, M. De Croo, sur ce dossier
Sa réponse n’est pas très encourageante. Il reconnaît la difficulté du projet, mais souligne que sans la présence de Feronia dans la région, les perspectives pour les populations locales seraient pires…
Je ne suis pas satisfaite. A partir du moment où l’on fait le choix de financer le secteur privé, a fortiori des entreprises occidentales, il faut se donner les moyens de faire respecter les normes internationales et la législation nationale en matière d’emploi et d’environnement. Ce n’est pas le cas aujourd’hui et c’est déplorable.
Je continuerai à suivre ce dossier.
Plus d’information ?
Je recommande la lecture durapport du CNCD-11.11.11Accaparement made in Belgium. Le financement de Feronia par la Coopération belge » (faisant suite à une mission de terrain en 2018) et d’autres rapports d’ONG qui documentent l’impact négatif des activités de Feronia-PHC sur les droits humains des communautés locales, les irrégularités entourant l’acquisition des titres fonciers par Feronia-PHC sur les terres utilisées, les pratiques irrégulières des gardes de sécurité de Feronia-PHC et les actes de harcèlement et de violence subis par les communautés locales.
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*La Banque belge de développement, BIO, finance le secteur privé, avec de l’argent public prévu pour la coopération au développement.